Le cross training du danseur contemporain selon Garance

Garance est danseuse contemporaine à New York. Elle a suivi des formations très diverses aussi bien à Europe qu’à New York. Elle livre dans cet interview quelques clés sur ce que peut être la formation et l’entraînement du danseur au XXIe siècle. En effet, il est désormais nécessaire de pouvoir s’adapter aux différents styles et techniques des chorégraphes actuels.

Qui est Garance ?

Garance est née en Suisse, elle commence la danse à l’âge de 7 ans, elle se fait repérer par Maurizio Mandorino, danseur et chorégraphe de Neuchâtel et intègre sa compagnie. Elle entre après le bac dans la Northern School of Contemporary Dance en Angleterre, où elle obtient son Bachelor avec succès « 1st class honours degree », ses collègues de danse la surnomme d’ailleurs « the warrior ». En Angleterre elle a la chance de travailler avec des chorégraphes tels que Dane Hurst, Alexander Whitley, Riccardo Meneghini… et participe à plusieurs résidences de compagnies dont Akram Khan, Hofesh Shechter Dance Company and Batsheva Dance Company.

Elle part ensuite à New York et étudie à la Martha Graham School et à la Alvin Ailey School. A New York, Garance a travaillé pour Charlotte Colmant, Diane Mc Carthy et Belinda He. Elle danse actuellement avec Amalgamate Dance Company sous la direction artistique d’Alana Urda. Pendant ces années de formation et de carrière, Garance a appris à prendre soin de son corps, surtout depuis qu’elle a dû se remettre d’une fracture de fatigue à la cheville. Elle a étudié la technique Pilates pour laquelle elle est actuellement certifiée. Outre le système Gyrotonic, c’est aussi vers le Yoga et le Feldenkrais qu’elle s’est tournée. Belinda He, danseuse, chorégraphe et praticienne Feldenkrais practitioner basée à New York lui a d’ailleurs demandé d’être son assistante de recherche pour développer la technique Feldenkrais pour les danseurs.

unnamed
Garance, danseuse contemporaine qui s’est formé dans trois pays différents, avec des techniques diverses

Quelles différences de mentalité as-tu pu observer dans l’approche de la danse entre la Suisse, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ?

Il y a définitivement une différence dans l’ « industrie » par rapport à la compétition. Je pense qu’aux Etats-Unis, spécialement à New York, c’est réputé pour la recherche de l’excellence dans tous les domaines en général. Il y a une énergie spéciale qui se dégage de la ville et j’adore cette mentalité de toujours vouloir aller plus loin et progresser.

En Suisse, le monde de la danse est beaucoup plus petit et je pense qu’il faut vraiment prendre du temps pour connaître les gens du milieu et se faire des contacts. Bien sûr c’est possible mais ça prend plus temps et il y a nettement moins d’opportunités.

Dans les trois pays, différents styles de danse sont mis en avant. Le ballet est fort dans les trois comme avec Béjart en Suisse, Le Royal Ballet à Londres ou encore New York City Ballet à New York par exemple. Pour ce qui est du contemporain, les styles sont partagés. J’ai beaucoup aimé travaillé en Angleterre ou il y a beaucoup d’opportunités d’expérimenter des différentes qualités de physicalités tel que le chorégraphe Hofesh Shechter par exemple, il y a beaucoup d’innovation, d’explorations, de propositions à la nouveauté en général. A New York, vu que c’est aussi une grande communauté on peut trouver des styles très différents et c’est génial d’être autour de ça pour être le plus versatile possible. Pour ce qui est de la Suisse, étant une communauté beaucoup plus petite, je pense qu’elle reflète juste les tendances américaines et anglo-saxon. Il y a moins d’innovation je dirais et c’est plus des influences qui décrivent le travail qui s’y fait.

Quelles sont les forces de chacune des techniques de danse que tu as apprise dans tes diverses formations ?

J’ai eu beaucoup de chance d’explorer des techniques très variées.

J’ai appris la technique Cunningham qui développe une précision et un très bon contrôle. En Angleterre beaucoup du contemporain est une influence du Cunningham, sa force et la maitrise qu’on obtient dans le torse, partie très importante pour un danseur contemporain, donne une opportunité à être apte au changement rapide.

La même chose pour la technique Graham, Merce Cunningham était l’élève de Martha Graham et on le voit dans l’articulation et la maîtrise du torse également. La technique Graham est aussi basée sur les émotions et je pense que ça grande force et de faire bouger le danseur du centre en d’autre mots de ses propres tripes.

Le Ballet, aussi très important également pour les danseurs contemporains est une base extrêmement utile. Je dirais que la technique développe plus la force et l’agilité dans les jambes. C’est pourquoi un mariage de la technique ballet et du Cunningham ou Graham peut être excellent. Ces techniques sont principalement pour « placer » le corps, l’aligner et lui donner un sens de symétrie.

Un danseur contemporain en a besoin mais doit aussi être capable de relâcher, de bouger de manière asymétrique et d’utiliser le sol. D’où les techniques « release » et les différentes pratiques somatiques. Il y a plusieurs approches et méthodes mais une partie au sol est souvent incluse, surtout en début de cours. Le sol permet de relâcher les tensions extérieures et connecter avec son centre. Ca permet aussi de trouver son alignement différemment, en sentant ses os plus que sa musculature. Ces techniques sont souvent enseignées sans miroir, dans le but de sentir son corps. Ce n’est plus par rapport à quoi ça ressemble, mais plutôt par rapport au ressenti.

Au final un excellent danseur a une intelligence neuromusculaire hors du commun, c’est à dire qu’il a une excellente proprioception et une habilité de ressentir et développer la sensibilité nécessaire du mouvement.

Les différentes approches et techniques sont vraiment bien pour le développement d’un danseur contemporain. Bien qu’étant différentes les unes des autres, en les étudiant toutes, on fait des liens et on commence à tout mettre ensemble. C’est le travail du danseur de prendre des graines et les semer par ci par là pour en sortir quelque chose d’unique.

Garance en plein exercice de Pilates
Garance en plein exercice de Pilates

Quelle(s) technique(s) alternatives t’ont-permis de renforcer le mieux ton corps d’athlète ?

Un peu comme les techniques de danses décrivent en haut, il y a des techniques qui travaille sur l’alignement, la symétrie et le renforcement, tel que le Pilates et les exercices symétrique qu’on peut trouver dans un fitness ou sur des machines de gym. Tout cela est bien et très important, le Pilates (créer par Joseph Pilates) m’a énormément aidé. Souvent on parle du Pilates comme une méthode pour les abdominaux mais personnellement je le décrirais plus comme une méthode pour la colonne vertébrale principalement, si on veut être plus précis. Un système qui développe la force physique, la flexibilité, une meilleure posture et la concentration mentale. Cela rappelle un peu le Cunningham et le Graham. On parle aussi souvent de stabilité, c’est à dire rendre une partie du corps stable pour pouvoir en bouger une autre avec plus d’aisance.

La Gyrotonic est un système en trois dimensions : on bouge la colonne dans des « planes » supplémentaires. Je pense que les deux vont bien ensemble car je dirais que la Gyrotonic s’approcherait plus des techniques release.

Le yoga est très important pour moi aussi, ça m’aide beaucoup à me calmer et me recentrer, c’est pour moi un travail corps-esprit qui est parfait à la fin d’une longue journée de danse, au début ou encore dans un jour sans répétition.

Quand on parle de renforcement comme mentionné dans cette question on pense souvent à la force musculaire. Mais certaines choses doivent se relâcher pour pouvoir renforcer ce qu’on recherche spécifiquement et vice versa. Tout comme le mot « force » à été réétudié durant les dernières années.

Une technique spécifique qui pour moi à changé ma danse et ma vie en générale, le Feldenkrais (créé par Moshe Feldenkrais.) la méthode amène la personne à prendre conscience d’elle-même à travers ses mouvements dans l’espace et à travers les sensations kinesthésiques qui en sont liés. Les apprentissages visés sont variés mais je dirais que l’idée générale peut-être décrite par la recherche d’une organisation plus aisée et efficace pour ses actions.Cela peut être tant dans la vie de tous les jours que dans un sport ou un art. Par exemple apprendre à marcher fonctionnellement va changer comment un danseur bouge dans l’espace et sa technique en générale.

Mon opinion est qu’on ne peut pas vraiment dire que telle est telle technique est meilleure qu’une autre car c’est un mélange de toutes nos expériences qui nous font avancer. Encore une fois prendre une graine dans chaque système et en faire son propre pot de plantes.

Quel travail de chorégraphie t’a le plus touché en tant qu’artiste ?

Je pense que c’est avoir travaillé pour Alexander Whitley en 2013 pour sa pièce « The Imperfect Circle ». L’idée derrière sa pièce état partie de « something is missing ». Un duo entre Josh Hawkins et moi même était censé finir la pièce, mais Alexander à changer d’avis et m’a demandé de finir la pièce dans un solo ou je devais répéter le duo avec Josh mais sans qu’il soit là. Je devais faire comme si Josh allait être la dans les portés donc me lancé dans l’air et savoir retombé.

Ça été pour moi un solo très difficile pour trouver l’authenticité de danser avec quelqu’un sans qu’il soit là. J’ai adoré le faire et ça m’a permis de vraiment connecter avec mon imagination pour rendre le mouvement authentique.

unnamed
Garance dans le solo « The Imperfect Circle » d’Alexander Whitley

Qu’est-ce qu’enseigner le Pilates sur machine t’a le plus appris ?

Je pense que les machines sont utiles pour donner un feedback (proprioception) et un sens de symétrie au corps. Comme beaucoup de danseur j’ai une hyper mobilité dans mes articulations, due à ma souplesse, Pilates aide à contrôler cette souplesse. On l’utilise mais sainement et efficacement.

C’est un mariage de force et souplesse car d’après moi, l’un n’existe pas sans l’autre.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune danseur européen pour sa formation et sa carrière ?

Je pense que donner conseil et demander conseil c’est bien. Mais on a tous un système différent, et ce qui peut marcher pour notre voisin ne marchera pas forcément pour nous, ou pas de la même manière.

Le meilleur conseil que je donnerais c’est de trouver les réponses par soi-même dans son propre corps. Tout est là, il suffit d’écouter…

Written By
More from Rafael

Retour sur la 1ère Mostra Internationale Video Dance – Porto

Le 1er Mostra International de Video Dance à Porto célèbre la relation entre...
Read More