Hors-sol Denis Plassard en photographe

Il y a des artistes qui ont des envies multiples et des talents à l’avenant, Denis Plassard est un de ceux-là.Chorégraphe de la cie lyonnaise Propos, on le connaît pour ses pièces et/ou ses bals. On connait moins l’intérêt de Denis Plassard pour la photographie même si depuis 2015 il développe un superbe projet de séries photographiques, intitulé Hors sol.

Hors sol Arles (2015) Baiser et tête écrasée (c) Denis Plassard.
Hors sol Arles, Baiser et tête écrasée 2015 (c) Denis Plassard.

Denis Plassard a accepté de nous parler de ce projet qui concrétise une passion pour la photographie qui le tient depuis l’adolescence, période pendant laquelle il participait aux clubs photo de son collège avant de finalement choisir la danse comme terrain privilégié de son expression créatrice… même si la photographie restait une envie et une pratique plus dilettante…jusqu’à ce stage d’une semaine pris lors des Rencontres D’Arles en 2015 avec Claudine Doury. Une semaine pendant laquelle, il se trouve dans la posture inédite du quasi néophyte avec une foule d’idées en tête (du roman-photos au travail sur l’ombre) qu’il propose à Claudine Doury, la consigne étant que chaque participant apporte une idée lui permettant de constituer une série. Il tente dans un premier temps de mettre de côté ses capacités de danseur dans les propositions et voit toutes celles-ci retoquées par Claudine Doury, qui l’incite au contraire à utiliser son talent de danseur et chorégraphe pour développer une idée de série originale. En désespoir de cause et au bout de trois jours de rejet de ses propositions Denis décide d’arrêter les passants dans les rues d’Arles et de leur proposer de les porter et de photographier l’action…ce qui nécessite l’intervention d’un complice pour appuyer sur le déclencheur. Claudine Doury s’enthousiasme lorsqu’elle visionne la vingtaine de photos prises et encourage Denis à développer le projet.

Hors Sol-Birthday pour les 25 ans de la Cie Propos (2016) (c) Denis Plassard.
Hors Sol-Birthday pour les 25 ans de la Cie Propos 2016 (c) Denis Plassard.

Elle finit par le convaincre que ce concept simple du portrait porté alors que le visage du porteur n’apparaît jamais et que les pieds du porté ne doivent pas toucher le sol constitue une idée que l’on peut décliner quasi à l’infini. C’est ainsi qu’Hors sol est né. Une belle synthèse de ce qu’est Denis Plassard. Hésitant depuis longtemps entre deux passions : la danse et la photographie, Hors sol réconcilie les deux pôles créatifs qu’il porte en lui. Dans ce projet, il utilise ses compétences de danseur, mais aussi la mise en espace des corps à travers une relation très directe aux gens qu’il aime mettre en place à travers notamment les bals qu’il propose en tant que chorégraphe.

 

Hors sol-Bridge, Jour de marché 2016 (c) Denis Plassard
Hors sol-Bridge, Jour de marché 2016 (c) Denis Plassard.

Hors sol, lui offre deux moments privilégiés en tant qu’artiste, le moment de l’action et le résultat de celle-ci, Denis ayant toujours le visage caché dans les séries, il découvre après coup la situation créée par son porté, un peu comme lorsque la photo argentique se révélait au tirage. Son dispositif recrée la magie de la révélation.

Hors sol, Garden Melbourne 2016 (c) Denis Plassard.
Hors sol, Garden Melbourne 2016 (c) Denis Plassard.

Il décline ainsi à l’infini ces séries pour le plus grand plaisir des participants (il suffit de voir leurs visages) et des spectateurs qui découvrent une humanité acceptant avec humour et bonne humeur de se plier aux conditions et embrassades du photographe. Les thèmes des séries peuvent être faits à partir de groupe constitués (classes, corps enseignant, nouveaux papas pris à la maternité, nageurs à la piscine, personnes en foyer médicalisées), liés à un lieu visité (série en Australie à l’occasion d’une commande des Alliances françaises, en montagne, dans une ville) où là, les gens sont pris au hasard dans la rue. Le chorégraphe s’oblige ensuite à garder une photo par personne ayant participé à l’aventure sur le site.

Hors sol-In the arms, Foyer de Domartin 2016 (c) Denis plassard.
Hors sol-In the arms, Foyer de Domartin 2016 (c) Denis plassard.

On y découvre des portraits étonnants,parfois très émouvants,  les embrassades de Denis Plassard obligent les personnes à s’adapter à son corps proposant différents portés. Pas de pose ici, mais la surprise née d’une empoignade inusitée, d’un décollement du sol qui change le rapport au monde et à l’autre. Moment d’échange ludique qui tient à la fois de l’improvisation et de la révélation.

 

Hors sol-San Sebastian 2016 - Sobre la ola (c) Denis Plassard.
Hors sol-San Sebastian 2016 – Sobre la ola (c) Denis Plassard.

Le projet se nourrit aussi des opportunités liées au travail de la compagnie, la prochaine résidence de celle-ci ayant lieu en milieu rural à Lusy dans le sud Morvan, c’est l’occasion pour Denis Plassard d’envisager une série autour d’agricultrices en activité avec une petite nouveauté par rapport aux séries précédentes qui se jouaient dans un lieu et un temps donnés, là, le chorégraphe va les voir chez elles, augmentant encore la diversité des lieux.

Hors sol-Staff room, Enseignants 2016 - L'assis se tend ! (c) Denis Plassard.
Hors sol-Staff room, Enseignants 2016 – L’assis se tend ! (c) Denis Plassard.

Intérieur, extérieur, lieu inhabituel si il en est (piscine, salle de classe ou des professeurs, passerelle urbaine, parc botanique, plage ou prairie de montagne), le lieu choisi raconte aussi quelque chose et introduit une atmosphère particulière à chaque série. De même creusant son concept le chorégraphe introduit parfois dans le cadre des passants provoquant une autre dynamique dans les portraits produite par ces présences périphériques.

Hors Sol - Street in Sydney- With a couple (c) Denis Plassard.
Hors Sol – Street in Sydney- With a couple 2016 (c) Denis Plassard.

Il s’enthousiasme du milieu photographique et de son respect du travail amateur considéré avec générosité dans un rapport exigeant mais non excluant. Sans doute une des raisons qui lui donne envie de développer son projet sans lui envisager de fin. Les demandes se multiplient et des projets liés ou non au travail de la compagnie se profilent, à Madagascar, peut-être en Russie…

Hors sol,Musée Lyon 2016 - Autoportrait au menton (c) Denis Plassard
Hors sol, Musée Lyon 2016 – Autoportrait au menton (c) Denis Plassard

Hors sol se poursuit aussi de façon autonome avec un projet européen sur le Massif central au sens large lors duquel Denis Plassard doit réaliser 7 séries sur le thème des 7 familles. Parfois c’est aussi le chorégraphe qui lance un projet autour d’un thème qu’il a envie d’exploiter, afin de d’abonder sa collection ; le prochain en date sera une série Hors sol avec des mariés. On a hâte de voir le résultat mais en attendant les séries déjà réalisées sont disponibles, ici !

En savoir plus sur le travail de Denis Plassard et la compagnie Propos c’est ici !

Image de Une, visuel tiré de la série Australie du projet Hors sol, et plus précisément Perth University,  Denis Plassard tous droits réservés.

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