Let’s Dance revient sur Arte !
La saison 1 de cette série documentaire diffusée en 2014 (lire notre article ici) parlait de danse différemment, adoptant une approche originale et des angles inédits : le pied, la nudité, la différence des corps. La série se détachait ainsi des traditionnels documentaires sur les petits rats, ou les portraits d’artistes.
Pour sa saison 2, Let’s Dance se penche sur la danse à travers ses formats : la danse en groupe, le duo et le solo. Un peu plus convenu.
En retraçant la généalogie de ces grandes figures de danse le documentaire part questionner un panel de personnalités extrêmement diverses : des grands chorégraphes à la chanteuse pop, des historiens de la danse aux danseurs à qui la série donne largement la parole.
Le premier épisode questionne le danser ensemble. Figure obligée des danses traditionnelles, quoi de plus fort et grisant pour le danseur comme pour le spectateur qu’un ensemble de corps qui bougent, partageant l’espace, le temps, à l’unisson ou en contraste.
Emio Greco, Maguy Marin, Ohad Naharin, Akram Kahn, les chorégraphes des Ballet C de la B, Jérôme Bel ou Christine and the Queen, nous racontent les enjeux de l’ensemble. En tant qu’observateur, que raconte l’esthétique d’un groupe, la force dégagée ? En tant qu’acteur : comment se situer dans un groupe, quelle responsabilité de l’individu dans l’œuvre commune ? Et en tant que chorégraphe : comment faire adhérer une union d’altérités à un propos artistique, et guider ce groupe dans un but commun.
Des moments jouissifs sur scène où l’on réalise que le groupe « augmente » l’individu, aux difficultés de gestion, Jerôme Bel avoue avoir « produit beaucoup de violence » dans la création de Show must go on. La série va par delà les frontières. On y verra un aperçu de tournage Bollywoodien, où Shobi Paulraj, chorégraphe du blockbuster Nannaku Prematho travaille sur un plateau gigantesque et crée littéralement la chorégraphie sur le tas. On s’immiscera dans l’intimité des séances de travail, mouvementées parfois, de la création de Bakte qui rassemble des danseurs palestiniens. Des résonances et échos inattendus dans cet épisode qui nous rappelle aussi que le groupe manque parfois sur les scènes de l’émergence artistique, faute de moyen aussi, sans doute.
L’épisode sur le solo, un peu plus historique nous rappelle qu’après avoir été une figure royale, symbole de hiérarchie dans la danse occidentale, le solo au XXe devient figure de modernité. Principalement d’ailleurs une affaire de femme, comme nous le rappelle Yvonne Rainer, grande figure du postmodernisme. Loïe Fuller, Isadora Duncan, Martha Graham, Valeska Gert, ou encore Josephine Baker à leur façon ont saisi cette « occasion de briller » que leur offrait le siècle, pour en faire une affirmation sociale et politique.
Quête spirituelle pour Carolyn Carlson, ou signe de profonde tristesse pour Emio Greco qui voit dans le solo le signe d’une solitude, affirmation du sur-moi pour Mark Tompkins, la figure du solo reste un passage obligé, hier et encore plus aujourd’hui d’affirmation de sa voix d’artiste. On sera surpris de découvrir qu’un groupe de danseuses du cabaret New Burlesque s’inspire encore de Loïe Füller et de ses longs voiles dans leur spectacle. On sera fasciné par l’immersion dans l’univers du Flexing, une danse Hip Hop apparue à Brooklyn, on se rappelle que le solo peut aussi devenir défi, et que sur scène, seul, la responsabilité écrasante peut aussi devenir terrifiante. On découvrira aussi le danseur tunisien Hamdi Dridi pour qui le solo en hommage à son père disparu est devenu un exorcisme : « Parfois j’ai envie de danser le solo pendant des heures et des heures, parce que c’est le seul moment où je me sens avec lui ». Le solo en danse est aussi avant tout une histoire personnelle.
Enfin danser à deux. LA figure essentielle du ballet classique ou des danses de salon, le duo est empreint d’emblée d’une charge sexuée, figure risquée pour le chorégraphe qui s’y confronte. Deux êtres sur scène, entre invitation, touché, porté, défiance, pour l’œil du spectateur l’identification est immédiate.
Evidemment charnel dans le tango, évidemment romantique dans les ballets classiques – deux danseurs de l’Opéra se questionnent ainsi sur l’opportunité de donner à voir le pas de deux aujourd’hui, pour ce qu’il représente… Comment ne pas questionner cette dualité en effet. Jérôme Bel décide de rassembler un danseur de l’Opéra avec une personne de son choix, une dame âgée, ou une jeune femme handicapée dans son spectacle Tombe. Le contraste choque mais le chorégraphe cherche à éviter à tout prix que le rapport spectateur acteur repose sur le désir « Je représente toujours quelque chose de politique ».
Au travers d’images d’archives rares et émouvantes de la Judson Church, on découvre Yvonne Rainer ou Steve Paxton passionnés par cette « esthétique de la nouveauté », tester ce qui n’avait pas encore été fait, et asexuer le travail du duo, encore très empreint des questions de genre.
En immersion au plus proche des acteurs, de l’orée de la scène aux répétitions en studio, images d’archives et actuelles tissent des rapprochements inattendus, Let’s Dance offre une série richement documentée à la fois historique et sociologique, un objet rare à ne surtout pas manquer !
Plus d’infos
Let’s Dance Saison 2
Une série documentaire (3×53′) réalisée par Olivier Lemaire
Ecrite par Florence Platarets et Olivier Lemaire
Vendredi 11 novembre 2016
Vendredi 18 novembre 2016
Pour aller plus loin
Pour faire durer le plaisir, Arte a conçu une série spéciale web sur le Swing
Jitterbug, boogie woogie, balboa, slow drag, charleston, lindy hop et jive ! Des danses emblématiques apparues entre les années 20 et 40 qui ne cessent de revenir sur les scènes des capitales européennes.