Janet on the roof, solo sur mesure pour interprète d’exception

Janet on the roof © cie PARC.

Présenté dans le cadre de la plateforme européenne du Focus danse de la Biennale de Lyon, Janet on the roof est un solo chorégraphié par Pierre Pontvianne (Cie PARC) pour Marthe Krummenacher. L’exercice du solo est toujours exigeant car il procède d’une mise en tension de l’interprète, à la fois mis en exergue et exposé, face au public. C’est donc un équilibre à trouver entre le chorégraphe et l’interprète pour que le solo soit réussi. C’est le cas ici à travers un objet chorégraphique intrigant, un poème dansé face au chaos. Janet-Marthe se présente face à nous presque en bord de scène, son occupation du plateau se concentre dans une zone restreinte par la présence d’un mur-écran blanc. La lenteur de ses gestes oblige à une attention extrême, Janet-Marthe glisse d’un mouvement à un autre, imperceptiblement, comme ses cheveux glissent et recouvrent son visage que l’on ne verra qu’au moment du salut. Janet est une femme bleue et or (bleu du costume et or de la coulée des cheveux), une femme dont les bleus de l’âme sidèrent le corps comme sa lenteur sidère le regard du spectateur. L’attente de l’aboutissement du mouvement (sa chute pourrait-on dire) pourtant inéluctablement connu, n’en est pas moins suspendue comme dans un suspens nerveusement irritant et hypnotique.

 

JANET ON THE ROOF from cieparc on Vimeo.

Le silence coupé par moments récurrents du bruit d’une douille qui tombe provoquant à la fois un noir sur le plateau puis un changement de lumière, les voix agressives s’exprimant en allemand, en anglais font surgir des images violentes, de terreur enfouie mais toujours présente, de chaos incontrôlable parce que provoqué, et lorsque la lumière se fait à nouveau Janet immuablement inscrit sa danse en creux de l’indicible. La précision du geste, sa maîtrise absolue transforme la frêle silhouette bleue, en résistance têtue face à l’état du monde. La réitération des gestes, malgré les changements de tension musculaire et l’accroissement de leur vitesse surprennent autant qu’ils sidèrent, le corps de Janet-Marthe est soumis à des demandes physiques qui travaillent sur les limites. Le spectateur est parfaitement conscient de cette tension, de la fatigue, de l’engagement nécessaire pour transcrire l’écriture de dentelle acérée du chorégraphe, une dentelle complexe qui coupe comme le rasoir et qui maintient l’interprète sur un fil en permanence…et pourtant notre attention parfois se détourne, se met au repos, comme si l’émotion provoquée par ce corps est insoutenable et qu’il faut la mettre à distance, s’en éloigner, la rendre moins vive, la banaliser pour la rendre supportable. C’est ce paradoxe qu’explore sans doute le chorégraphe dans ce solo à la fois lumineux et crépusculaire, il m’en reste des tableaux magnifiques, la masse vivante des cheveux de Janet-Marthe rendus dorés par la lumière, ses mains comme surdimensionnées qui crient une douleur que je reconnais même si elle ne m’appartient pas, son dos dénudé, offert, si fragile et pourtant cuirassé de muscles, ciselé comme une carapace d’insecte. La ronde folle de son buste, dont le rythme devient pour moi un cœur battant. Au sortir de la pièce, j’entre en silence, j’ai l’impression d’un rapt au sens de ravissement comme celui de Lol V Stein décrit par Marguerite Duras dans le roman éponyme. Stupeur et sidération, le programme avait prévenu ! Janet on the roof témoigne, une fois de plus, de la capacité de Pierre Pontvianne de travailler le thème et ses variations sans jamais les épuiser, remarquablement soutenu ici par une interprète d’exception en la personne de Marthe Krummenacher. Minimalisme assumé, engagement physique conscient et maîtrisé, vulnérabilité acceptée, Marthe Krummenacher dégage une poésie qui résiste au chaos du monde et la force qui émane de sa silhouette fragile nous émeut.

Janet on the roof

Chorégraphie Pierre Pontvianne. Interprétation Marthe Krummenacher. Lumière Valérie colas. Décor Pierre Treille. Création sonore Pierre Pontvianne

À voir le 9 avril 2019 au Dôme théâtre d’Albertville – Scène conventionnée

En savoir plus sur la compagnie PARC c’est ici !

Image de Une, visuel de Janet on the roof crédit photo Compagnie PARC.

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