Leïla Ka : hip hop et au-delà – C’est Comme Ca qu’on Danse

Leïla Ka : hip hop et au-delà

On a déjà évoqué Leïla Ka dans un article précédent, et l’extrait de son solo Pode ser vu lors du chantier en cours présenté lors de la Biennale de la danse nous avait donné envie d’en apprendre plus. Elle dit devoir beaucoup à George Cordeiro alias Ghel Nikaido, danseur  hip hop brésilien passé par le Grupo de rua de Bruno Beltrao et qui s’installe à St Nazaire en 2008 et y fonde la compagnie Favela en 2013 avec Leïla qui y fera ses premières armes comme professionnelle dans deux duos La Table (2014) et Du bout des yeux (2015), qu’elle interprète avec George Cordeiro. Si on y retrouve l’énergie du hip hop, on y voit déjà une dérive vers une autre écriture chorégraphique que la jeune artiste aura envie de poursuivre. Deuxième expérience fondatrice la rencontre avec Maguy Marin pour qui elle dit avoir eu la chance d’interpréter May B et qui lui fait découvrir une théâtralité dansée qu’elle retiendra comme forme possible d’enrichissement de sa propre écriture.

Ces deux rencontres  ouvrent un espace à la jeune danseuse qui décide de passer le pas et de proposer un premier solo en tant que chorégraphe. Un solo, en forme de question Pode Ser (Peut-être) de recherche et de doute présenté comme une quête d’identité et qui constitue aussi la naissance d’une forme d’écriture chorégraphique singulière.

Leïla Ka, montre ici les limites qu’on se donne où auxquelles on se heurte pour être réellement soi-même, de la même façon qu’elle hésite entre des formes d’écriture chorégraphique, trouvant un chemin en jouant des coudes entre hip hop, contemporain et théâtralité. Valse hésitation identitaire, la première image est celle d’une mince silhouette en long tutu fluide et pale…sous lequel on aperçoit, baskets et bas de jogging, équipement classique du hip hop. Chignon presque classique, Leïla est une princesse furieuse, une guerrière romantique, un garçon manqué, une jeune femme qui refuse les assignations et invente sa propre danse. Coudes en avant, visage buté et volontaire, elle boxe l’invisible, déploie son corps en brisures d’origami, avec une énergie rageuse. Visions d’un Buster Keaton féminin ou d’une Valeska Gert dans les personnages qui se créent devant nous à travers une danse qui frise le grotesque en le sublimant par une précision implacable. Lorsque la danseuse passe au sol le haut de son corps disparaissant sous sa robe et les ciseaux noirs de ses jambes tournant autour de son buste comme désarticulé, une nouvelle force surgit de ce corps. Boxeuse sans allonge et sans poing, elle retrouve la longueur d’un bras puis de deux lorsque la musique change, se jouant des codes elle mime trois pas de capoeira, donne trois tours de bassin en une danse orientale lascive, toujours dans un espace limité au centre du plateau comme contraint par la lumière qui la douche et délimite l’anneau d’un ring imaginaire.

Les bras de Leïla coupent l’espace, ses mains retrouvées le grignotent, soulèvent sa robe comme pour nous dire voilà ce qu’il y a sous les jupes des filles, des pieds qui dansent inlassablement qui entraînent la danseuse dans un tournoiement de petite ballerine de boite à bijoux, un rythme qui se casse au retour de la première musique jusqu’à cet abat jour tombé d’on ne sait où et qui loin d’apaiser la danseuse la lance au sol comme une toupie folle retrouvant les figures du hip hop un temps éloignées.

Au milieu de ce combat et de toute cette rage contenue qui explose par secousses, il y a une douceur dans ce corps, douceur qui ne s’avoue ou ne s’accepte pas encore mais qui donne des accents lyriques à certains mouvements soutenus par la partition classique de l’Opus 100 de Schubert. Mélange des genres, mixité des styles et des danses, maîtrise de l’écriture et de la scénographie Pode ser annonce la naissance d’une chorégraphe. Leïla Ka explique que ce solo lui est apparu comme une nécessité après son passage chez Maguy Marin, comme la forme la plus appropriée pour explorer une écriture chorégraphique témoignant de son parcours personnel et de son « état des lieux ». Ravie que Pode ser entame une belle tournée, elle a cependant d’autres projets et notamment la création d’un duo dont la première aura lieu à l’automne 2019.

Avec ce duo qu’elle crée aux côtés d’Alexandre Fandard qu’elle a choisi comme interprète, elle creuse le sillon de la question des contraintes, des empêchements qui nous limitent, ici il s’agit moins de ceux que l’on se donne mais plutôt de ceux qui nous sont imposés de l’extérieur. Les deux protagonistes de l’histoire avancent ensemble, font face ensemble, mini communauté dressée contre l’adversité qu’ils croisent en chemin : ” No Chão, (au sol en portugais), Leïla Ka interroge à nouveau le destin et les possibilités de changement. La jeune chorégraphe et son partenaire incarnent une fraternité de présences au monde : ils questionnent l’espace inconnu qu’est la vie mais aussi les empêchements et les ennemis […]”. Une trajectoire de vie comme un combat qui puise dans les danses urbaines et les mixe avec une écriture plus théâtralisée ou plus contemporaine. Finalement une histoire de positionnement dans la narration comme dans l’écriture.

Le travail de No Chão débute et il est trop tôt pour en parler davantage, mais après avoir vu Pode Ser, l’engagement, la sincérité de la présence scénique et la maîtrise des styles abordés par l’artiste donnent envie de la suivre et de la soutenir.

Pode Ser en tournée

Chorégraphie & interprétation Leïla Ka. Lumières Laurent Fallot. Musique Opus 100 de Schubert,

Festival des danses ouvertes Fontenay-aux-roses 3 novembre 2018

Festival Dance Waves Chypre 11 & 12 novembre 2018

Festival Kalypso Paris 15 & 16 novembre 2018

Festival Szoloduo Budapest janvier 2019

Région en scène Machecoul janvier 2019

La danse en Fabrique Nantes janvier 2019

Festival Trente Trente Bordeaux janvier 2019

Festival Agitato Rennes février 2019

Le Théâtre – Scène nationale St-Nazaire mars 2019

Teatro de la Contradizzionne Milan mars 2019

À venir No Chão automne 2019

Chorégraphe Leïla Ka. Interprètes Alexandre Fandard, Leïla Ka. Création lumière Laurent Fallot. Musique, costumes en cours.

Pour en savoir plus sur le travail de Leïla Ka c’est ici !

Image de Une, visuel de Pode Ser, Leïla Ka crédit photo Yoann Bohac.

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