La chorégraphe Toula Limnaios, qui a fêté cet été les vingt ans de sa compagnie (et nous a offert un festival de trois mois, aussi foisonnant qu’émouvant) se tourne vers de nouveaux horizons pour voir sa danse sous un autre angle. we are made nous propose une série de portraits qui dialoguent entre eux, qui fusionnent ou se contredisent aussi : rêves et souvenirs trouvent leur origine dans le quotidien. Ce poème cinématographique a été tourné par Giacomo Corvaia. Après avoir passé quatre ans au sein de la troupe, le danseur a délaissé le mouvement du corps pour celui de l’image.
Au menu de cette projection était programmée une entrée savoureuse (rythmée par le capharnaüm musical d’une clarinette et d’une contrebasse, entre autres) : un prologue d’une petite demi-heure, parsemé de duos, de trios, d’ensembles, qui se font et se défont entre unité et individualité. Un va-et-vient permanent qui traduit avec justesse les aléas de l’existence, ses tensions et ses abandons. Le spectateur tente de poser son regard sur l’un des danseur(se)s aux tempéraments si divers. Et pourtant, de ces énergies propres se dégage une universalité dans le mouvement. Sans argument autre que la danse elle-même, les corps s’escaladent, flottent, s’entremêlent, se figent, se jettent au sol, tout en symétrie et fluidité. L’image finale rappelle une danse vietnamienne des mille mains remixée : les sept danseur(se)s (Daniel Afonso, Leonardo d’Aquino, Daeho Lee, Katja Scholz, Hironori Sugata, Karolina Wyrwal, Inhee Yu) laissent s’exprimer une gestuelle délicate et poétique.
Puis le mouvement envahit l’écran. La même image investit désormais l’espace en plein air. Des pauses esthétiques succèdent à des harmonies éparpillées. Des saynètes extraites de pièces de Toula Limnaios se trouvent mises en relief virtuellement. Ce nouveau contexte explore des détails jusqu’alors invisibles, négligés. La caméra décortique des mondes microscopiques. L’enlacement d’images se fait le témoin du temps, d’un tournage qui s’est étalé sur presque un an. Coiffés de gui en pleine nature ou haletant sur un terrain de basket plus ou moins poussiéreux, les danseur(se)s se rappellent des danses en en interprétant d’autres. we are made ou comment incarner l’instant autrement. Il est vrai que sur un écran, la dynamique du corps dansant prend une toute autre dimension.
We are made Trailer from cie. toula limnaios on Vimeo.
OÙ ET QUAND?
Halle Tanzbühne Berlin, du 29 septembre au 2 octobre
Crédits Image de Une : © Giacomo Corvaia