Un Gatsby trop magnifique pour être vrai

L’Admiralspalast de Berlin a coutume d’accueillir des shows tous publics, dans le genre de Rock The Ballet ou Ballet Revolucíon. The Great Gatsby de Dwight Rohden ne déroge pas à la règle et nous propose un spectacle à l’esthétisme discutable, n’en déplaise aux spectateurs (en grande majorité russes) assurément d’un avis contraire…

© Promo/The Great Gatsby
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Le roman de Francis Scott Fitzgerald excelle à dépeindre les années folles américaines, son caractère éphémère, son atmosphère mélancolique et le snobisme d’une jeunesse richissime mais désenchantée. Le chorégraphe Dwight Rohden (Complexions Contemporary Ballet, Dayton Contemporary Dance Company, Les Ballets Jazz de Montréal, Alvin Ailey American Dance Theater) a toujours soif de mélodrame, de tourment, d’exaltation, d’ivresse. Il tisse la toile chorégraphique de ces passions destructrices, frénétiques. Sa trentaine de danseur(se)s, aux commandes de l’éclatant ex-soliste du Mariinsky, Denis Matvienko (un brin égocentrique, surtout dans son solo final qui n’ajoute pas grand-chose au propos…), tente de traduire la beauté des sensations, des descriptions, des couleurs et des lumières. Les robes chatoyantes s’allient au feu d’artifice de confettis pour éblouir l’assemblée. Les danseurs se suspendent même aux lustres ! Mais on tombe indéniablement dans le too much.

© Promo/The Great Gatsby
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Les ensembles, d’une cadence soutenue, sont incontestablement maîtrisés et exécutés avec précision. Mais l’exercice de style, plus que rodé, ne fonctionne pas et ce, malgré des regards percutants, des ports de bras vifs et des bas de jambes pointilleux. Une suite ininterrompue de gestes, un trop-plein de mouvements qui entravent la délicatesse et fatiguent le regard : les danseurs comprennent-ils ce qu’ils dansent ? Ces sublimes interprètes russes gagneraient tant à aborder leurs rôles avec mesure et à savoir dompter leur technique… L’expressivité qui émane des pas de deux (ou trio voire quatuor) est plus touchante, plus mesurée, plus recherchée. Rohden met en avant la plastique divine de ses solistes, aussi proches du sol que portés vers les cieux. Mention spéciale au pas de cinq du deuxième acte, qui se déroule autour d’une table. Un débat houleux rythmé par des pauses troublantes : les bras s’enroulent, passent sous et entre les jambes, les colonnes se courbent.

Conçu en deux actes, The Great Gatsby est porté par une composition originale signée Konstantin Meladze (en collaboration avec Juri Shepeto), alliant beats modernes, notes jazzy et partitions symphoniques : une compilation plus ou moins judicieuse, tronquée par une redondance de thèmes exténuante. Une musique qui rappelle celle d’un film. Très kitsch. Tout autant que les projections vidéo qui sont censées rappeler l’intrigue…

© Promo/The Great Gatsby
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Vous l’aurez compris, Dwight Rohden chahute un peu les codes sans pour autant les bouleverser. Sa chorégraphie semble trop évidente. Si la forme est certes forte en émotions, le fond, lui, demeure indigeste pendant deux heures d’un spectacle plus physique qu’esthétique.

 

OÙ ET QUAND?
Wiener Stadthalle, Vienne, 8 novembre
Théâtre du Léman, Genève, 11 novembre

Crédits Image de Une :  © Promo/The Great Gatsby

 

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