«Par le chant et la danse, l’homme manifeste son appartenance à une communauté supérieure : il a désappris de marcher et de parler et, dansant, il est sur le point de s’envoler dans les airs. Ses gestes disent son ensorcellement.» La naissance de la tragédie, Nietzsche, cité par O. Dubois.
Le rideau ne se baisse pas sur la scène du 104, à Paris, mais la pièce est finie, et le public debout, ovationne la pièce. Abasourdies, nous tentons de retrouver nos esprits pour accompagner la salve d’applaudissements. « Tragédie n’est pas tragique », selon les mots du chorégraphe, Olivier Dubois. Mais qu’est ce que c’est alors ?
Synopsis
Neuf hommes et neuf femmes, un « échantillon d’humanité », foulent la scène de douze pas linéaires, sur un rythme militaire, inlassablement, pendant 45 minutes. La création musicale rock-punk se fait plus intense à mesure que le public se laisse hypnotiser par cette réalité exposée dans son plus simple appareil : l’Homme, le rythme. La partition si régulière se brise petit à petit, de part et d’autres, les danseurs pris de spasmes révèlent leurs imperfections humaines et laissent leurs corps exprimer ce qu’ils ont de plus bestial. La transe envahit l’ensemble des danseurs, et finit en scène orgiaque qui n’est pas sans rappeler la scène finale du « Parfum » (film de Tom Tykwer, adapté du roman de Patrick Süskind).

On aime :
La puissance du geste et du rythme, qui incarne la puissance de vie, donne un vrai souffle à la création dansée contemporaine. La performance des danseurs, si elle n’est pas technique ou gracieuse, impressionne par le total abandon des interprètes, mis à nu (dans tous les sens du terme), dans une transe quasi mystique. On comprend pourquoi le chorégraphe, Olivier Dubois, parle d’une « sensation du monde » plutôt que d’une création chorégraphique. Si on se laisse transporter, alors « Tragédie » nous hypnotise complètement.
On regrette :
La facilité de certains « ressorts » utilisés par le chorégraphe : la nudité totale, la musique électronique aux basses tonitruantes, la répétition (très) longue des mêmes mouvements, ou les mimes de gestes sexuels, donnent un peu l’impression qu’on force la main du spectateur dans son appréhension de la pièce. Doit-on pencher vers la « provoc » pour provoquer une réaction du public ? Si oui, alors c’est nier la part de subtilité qui nous fait Hommes (et Femmes), tout autant que notre bestialité.

Finalement…
On ne sort pas de « Tragédie » indifférent. La puissance de l’oeuvre d’art nous touche profondément, mais on ne sait pas forcément comment. S’il est difficile de dire si on « aime » ou non cette pièce, on peut sans nul doute affirmer qu’elle produit un effet en chacun de nous, danseurs, amateurs de danse, êtres humains.
(Re)voir « Tragédie » :
23 juin 2013 LINZ (A) / Landes theatre
9 juillet 2013 AMSTERDAM (NL) / Stadschouwburg
juillet 2013 ANCONA (I) / AMAT
juillet 2013 BOLZANO (I) / Festival Oggi, ieri,domani
8 septembre 2013 BIARRITZ (64) / Le temps d’aimer
16 novembre 2013 LE HAVRE (76) / Automne en Normandie – Le Volcan
Crédits photos : François Stemmer.
Pour aller plus loin :
Regarder la Short List de Canal + consacrée à Tragédie. Consulter le site internet de la compagnie. D’autres points de vue sur « Tragédie », Rosita Boisseau pour le Monde, Marie-Christine Vernay pour Libération.