En cerise sur le gâteau de ce dernier week-end du festival Tanz im August, la pièce Mycelium de Christos Papadopoulos était programmée en première allemande. Interprété par la vingtaine de danseurs.ses du Ballet de l’Opéra de Lyon, ce spectacle d’une heure de mouvements aussi minimalistes que redondants se penche sur le mycélium, le tissu des racines des champignons…
Un être entre en scène. Baigné dans une dense obscurité, il glisse sur la scène du Haus der Berliner Festspiele, de cour à jardin, ses pieds non visibles (qui n’arrêteront jamais de faire de minuscules pas…) lui donnant l’impression de flotter. Une première image réussie au travers de laquelle le chorégraphe grec arrive à traduire l’appareil végétatif du champignon qui se déploie sous terre. Tels des réseaux de racines qui relient les champignons entre eux, les danseur.ses, tous.tes de noir vêtu.es, se retrouvent à l’unisson à l’aide d’une gestuelle fluide et ondulante.
Après les bancs de poissons et les murmurations d’oiseaux dans Ion (2018) ou la dérive d’un iceberg avec Larsen C (2021), Papadopoulos continue d’user d’un vocabulaire extrême dans son détail comme pour mieux nous souligner combien le vivant est délicat, entre fusion et confusion. Signé Coti K, le son vibrant va aller crescendo au fur et à mesure que les interprètes parsèment la scène, portés par leurs bras-filaments et leurs corps-cellules. Leurs pieds ne cessent de piétiner, leurs têtes s’ornent de brefs sursauts, leurs épaules se lèvent mais jamais leurs regards ne se croisent et leurs corps demeurent face au public. C’est un langage indéniablement méticuleux qui demande aux danseur.ses une grande concentration. L’accumulation de variations, dont les lignes se font et se défont avec une précision fascinante, nous entraîne dans un monde merveilleusement lancinant. Un univers composé de cellules aussi variées que semblables mais provenant d’un organisme identique.
Christos Papadopoulos est né dans un petit village du Péloponnèse. Peut-être est-ce là-bas que l’élève du grand chorégraphe Dimitris Papaioannou a débuté son observation des écosystèmes hypnotiques et de ses mouvements organiques ? Mycelium est une œuvre troublante et subtile. Un voyage sensoriel palpitant au cours duquel on admire cette symbiose totale où chacun finit inéluctablement par s’intégrer, par se faire happer par des tentacules d’anémones de mer. Papadopoulos décrit cette intégration comme « une colle invisible qui connecte les individus par accords réciproques ».
Un bémol toutefois : un langage si particulier a souvent du mal à se renouveler. Et si celui de Papadopoulos peut scotcher la première fois, il n’étonnera franchement pas lors de la seconde. Et pourtant, notez que Papadopoulos a créé auparavant la pièce Mellowing pour le Dance On Ensemble. Une copie conforme sur beaucoup d’éléments chorégraphiques, avec néanmoins une scénographie plus lumineuse. Les identités des interprètes plus âgés (c’est le crédo de cette compagnie berlinoise composée de danseur.ses de plus de quarante ans) y ressortent davantage, rendant la cellule encore plus captivante.
OÙ ET QUAND ?
Du 15 au 31 août dans différentes scènes berlinoises
Crédits Image de Une : Mycelium de Christos Papadopoulos © Agathe Poupeney