Vendredi 12 avril à Harlem, c’était soir de ballet. Alors qu’un extrait d’opéra s’échappe des baffles, dix-huit danseurs aux corps parfaitement dessinés effectuent des mouvements simples mais justes. Une creation on ne peut plus classique à première vue, mais interprétée par des danseurs dont le bleu ciel et le vert émeraude des justaucorps fait ressortir les nuances chocolat et caramel de la peau. Pour la compagnie Dance theater of Harlem, la diversité est le maître mot : un contraste avec la plupart des ballets français.

L’histoire de cette compagnie est singulière. Fondée en 1969 par Arthur Mitchell, elle est la première compagnie de ballet afro-américaine. Elle a aussi pour objectif affirmé de changer la vie des jeunes de cette banlieue de Manhattan. L’idée de son créateur ? Le ballet est un moyen fort d’enseigner la discipline et la concentration autant que de souder une communauté. Son rêve s’est réalisé. Aux amateurs de danse classique venus de différents états se mélangent les habitants de Harlem que l’on entend chuchoter quelques remarques de “profanes”.
Dès le premier tableau, « Gloria », Des mouvements inhabituels s’immiscent dans la chorégraphie, comme si le directeur artistique avait laissé une place à l’interprétation personnelle: là, inspirés du hip hop, ici, de jazz, mais toujours sur pointes. L’héritage historique du quartier a inspiré ce répertoire éclectique. Le magnifique duo « When love » interprété sur un morceau de trip hop touche au plus profond le public. Puis, un trio occupe tout l’espace scénique en enchaînant les diagonales. Et, surprise, le public new yorkais applaudit à chaque traversée, à chaque saut périlleux ou porté techniquement complexe. On a l’impression d’assister à du patinage artistique. Les tableaux classiques se succèdent avec aisance, alors que la musique se rapproche de plus en plus du gospel.

Après l’entracte, la musique part en électro rythmée. On goûte alors à un mélange de néo-classique et de modern jazz. Les danseurs entament des duos, l’ensemble est dynamique, maîtrisé. De discrets mouvements ont été empruntés à la danse de rue. D’un coup un bassin féminin recule, des hanches ondulent pour enrichir encore le panel de mouvements. Une touche de “Harlem” qu’on n’a que rarement l’occasion de voir en France, et qu’on aimerait voir plus souvent. Imaginez les petits rats de l’opéra trémousser leurs fessiers ! Vous y êtes ? N’est-ce pas émouvant?

Infos pratiques
Ballet annuel du Dance Theater of Harlem au Rose Theater, présentant « Gloria » et « Contested Space ».
Direction artistique : Virginia Johnson
Vendredi 12 avril 2013
Pour voir le Dance Theater of Harlem (il va falloir voyager…)
Crédits photos de Une: Gloria – Photography by Matthew Murphy