Le Staatsballett s’offre deux chorégraphes aussi différents que pénétrants

Sasha Waltz et Johannes Öhman nous avait promis du changement. On ne peut qu’applaudir au choix de cette première, savoureusement nuancée entre Stijn Celis et Sharon Eyal. Une soirée indéniablement dédiée au mouvement, qu’il soit entraînant ou dérangeant. Et les danseur.ses du Staatsballett ont répondu présents !

Your Passion is Pure Joy to Me, Stijn Celis © Jubal Battisti

Sur une scène dépouillée, sept danseur.ses (dont des petits nouveaux comme Jenna Fakhoury, Sarah Hees-Hochster, Johny McMillan, Ross Martinson et Eoin Robinson), aux morphologies et personnalités très variées, donnent corps à Your Passion is Pure Joy to Me, instant furtif où le mouvement jamais ne s’arrête, créé par Stijn Celis en 2009 pour la GöteborgOperans Danskompani. Une ode à l’envie de vivre, toute en légèreté, bercée par les mélodies de Nick Cave et parsemée, de-ci de-là, par des partitions de Pierre Boulez, Gonzalo Rubalcaba et Krzysztof Penderecki.

Le chorégraphe belge, directeur du Ballet de Sarrebruck, module la réalité à travers chacun de ses pas et mouvements, entre symétrie et leitmotiv. Il aime souligner, dessiner dans le détail les émotions en utilisant le mouvement, aussi doux que précis, liant qu’énergique. Répété, circulaire, il envahit tout l’espace et gagne en intensité mais jamais, lui, ne perd en imagination. L’accentuation des mouvements, surtout, demeure surprenante. L’ensemble se calme et la lumière se tamise pour se focaliser sur Xenia Wiest qui remonte la scène : l’image est touchante, poétique. Une pièce qui mérite toutefois d’être approfondie par les danseur.ses, plus ou moins accoutumés à ce langage corporel richement contemporain.

 

Half Life, Sharon Eyal © Jubal Battisti

Autre pièce, autre sensualité : l’écriture de Sharon Eyal et de Gai Behar a quelque chose d’obsessionnel. En cela, Half Life n’a rien de nouveau comparé aux pièces précédentes. La patte Eyal/Behar est immédiatement reconnaissable. Une pièce extrême, pour treize danseur.ses asexués et aux cheveux plaqués, qui transporte dans les profondeurs des temps modernes, où l’être humain transpire d’émotions lourdes et de disparités. Les chorégraphes israéliens partent à la recherche du maximum (pièce éprouvante physiquement) d’une manière minimale (langage chorégraphique simple, répétitif, envoûtant) pour nous laisser l’opportunité d’une lecture entièrement subjective.

Sur scène, le sombre domine. Des faisceaux lumineux laissent entrevoir les corps anguleux, mis à nu. D’abord soudés, ils se fondent peu à peu pour occuper tout l’espace d’une interprétation épileptique. Une forte intensité gestuelle, malsaine, inhumaine, s’en dégage, entre entrechats six et regards tourmentés. Éloquents, ruisselants, les corps entrent en transe, soutenus par les beats entêtants de Ori Lichtik. Aux frontières de la folie, les visages se crispent. Les lignes se dispersent mais toujours se rejoignent dans un hurlement commun. L’impact de la forme, fascinante, nous fait vaciller entre attirance et répulsion.

OÙ ET QUAND

7 septembre, Komische Oper Berlin
En reprise les 14, 16, 22 et 29 septembre et les 2, 5, 10 octobre.

Crédits Image de Une : © Jubal Battisti

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