Le Grand Jeté de Frédéric Cellé explore la chute

Frédéric Cellé présentait le 14 décembre dernier, L’hypothèse de la chute au théâtre Scène nationale  de Mâcon.

Une inspiration partagée par grand nombre d’artistes, de La chute de Camus à celles de Wim Vandekeybus, ou aux photographies d’Yves klein ou de Denis Darzacq, l’art est traversé par cette idée de la chute ancrée dans l’inconscient collectif par la légende d’Icare. Frédéric Cellé outre ces premières références, dit avoir été impressionné par un documentaire suédois Plongeons réalisé par Axel Danielson, Maximilien Van Aertryck qui montre de façon minimaliste des personnes seules ou à deux plongeant, ou pas, d’un plongeoir de 10m de haut.

L’hypothèse de la chute, Cie Le Grand Jeté (c)Laurent Philippe.

Frédéric Cellé plante le décor par une scénographie simple et efficace qui nous plonge immédiatement dans cette hypothèse de la chute, le plateau blanc est surmonté par un magnifique plongeoir desservi par un escalier double masqué en transparence par un rideau de fils blanc, sur le coté cour, légèrement dans l’ombre un portant empli de vêtements. Un homme se déshabille pour ne rester qu’en sous-vêtement noirs, simili costume de bain, il monte l’escalier s’avance sur le plongeoir, hésite, se retire, dans une valse hésitation entre l’envie voire l’appel du vide et la peur d’y aller. Magnifique métaphore en laquelle la condition humaine se résume, questions de la limite, de nos capacités à les repousser, entendre et vaincre nos peurs, les respecter aussi, une danseuse refusera de sauter marquant son individualité, sa différence au sein du groupe. Une voix off soutenue par l’excellente musique de Camille Rocailleux scande : « Je crois en un monde où on résiste… »

Résistance, lâcher prise, chute versus sauts, les danseurs acrobates de Frédéric Cellé vont décliner toutes les formes de chutes imaginables et nous donner à voir différents états de corps au moment de celles-ci.

L’Hypothèse de la chute, Cie Le Grand Jeté (c) Laurent Philippe.

Chute déséquilibre, chute empêchée, chute associée, chute provoquée, les corps sont soumis aux tensions-relâchements induits par le moment où l’on chute, un danseur essaie même d’empêcher, d’atténuer celles de ses partenaires, comme un redresseur de corps il va de l’une à l’autre pour retenir, faire tenir debout ou déposer le corps au sol. De même l’homme du plongeoir tombera de son piédestal en une glissade dans l’inconnu, rattrapé par les bras de ses partenaires. L’entrée en scène d’un nouvel élément, un épais tapis de saut va changer la donne et déplacer le groupe qui va prendre de la hauteur et s’élancer du plongeoir, certains facilement d’autres avec réticence ou retenue parfois pour accélérer dans une ronde jouissive jusqu’à se retrouver compagnons de jeu ou d’infortune sur le tapis transformé en radeau de la méduse improvisé.

L’hypothèse de la chute, Cie Le Grand Jeté (c)Laurent Philippe.

Toute cette partie est très belle, très forte, il y a de magnifiques images, de sauts dans le vide, de corps lâchés, on aime aussi le jeu du noir et blanc des costumes, et la connivence des danseurs dont on salue l’excellence et les spécificités. Le chorégraphe a parfaitement su utiliser leurs techniques d’origine pour défendre son propos, hip hop, cirque, théâtre physique, danse contemporaine se retrouvent ici pour relever ce défi du corps livré ou refusant la chute.

Par la suite le propos se dissout quelque peu. L’introduction de soli ne semble pas nécessaire, les interprètes ont démontré leurs capacités physiques et on se retrouve presque dans une démonstration de chacun montrant sa propre virtuosité comme dans un battle, ce qui casse la narration.

L’hypothèse de la chute, Cie Le Grand Jeté (c)Laurent Philippe.

La chute de la pièce, expliquée par Frédéric Cellé lors d’un bord de plateau à l’issue de la représentation peut s’entendre, l’introduction de vêtements de ville aux couleurs vives aussi, cependant cette idée de lâcher prise dans une forme ultime de chute semble aller vers la facilité. Les quelques moments d’ensemble précédant le final sont bien plus intéressants et réinstallent de la danse, ils demandent à être encore travaillés, l’unisson n’étant pas parfait mais on les préfère à ce final de clubbing même si le public (ici des scolaires) l’a totalement apprécié.

 

L’hypothèse de la chute création novembre 2017 au Neuf Neuf Festival à Muret (31)

Chorégraphe : Frédéric Cellé. Distribution : Justine Berthillot, Tatanka Gombaud, Maxime Herviou, Clément Le disquay, Aurélie Mouilhade. Création lumière et scénographie : Gilles Faure. Création son : Camille Rocailleux. Regard extérieur : Herman Diephuis. Durée 1 heure.

Où et quand ?

22 (14h15), 23 (20h) et 24 (10h) janvier 2018 Théâtre de Vitry le François (51)

26 janvier 2018 – 20h30 Théâtre de Charleville-Mézières (08)

30 janvier 2018 – 20h Théâtre Gaston Bernard de Châtillon-sur-Seine (21)

1er février 2018 – 20h30 Théâtre Les arts de Cluny (71)

17 mars 2018 -20h l’Espace 110 d’Illzach (68)

6 avril 2018 – 20h30 Théâtre Gérard Philipe de Frouard (54)

25 avril 2018 – 20h30 l’Embarcadère de Montceau-les-Mines (71)

17 (à préciser) et 18 mai (20h30) 2018 Théâtre d’Autun (71)

En savoir plus sur la Cie Le Grand Jeté c’est ici !

Image de Une, visuuel de L’hypothèse de la chute, Cie le Grand Jeté crédit photo Laurent Philippe.

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