h o m e, pièce chorégraphique, musicale et cinématographique de Paul Changarnier

Paul Changarnier et le collectif A/R, présentaient h o m e lors du dernier concours (re)connaissance, un duo avec un batteur en live, explorant le quotidien du couple.

Un travail très engagé physiquement et qui renvoie aussi à des référents cinématographiques dans la construction de la pièce ou dans les images données à voir. Un spectacle qui nous a donné envie de rencontrer Paul Changarnier, le percussionniste du groupe, car au-delà des formations d’origine et des compétences particulières les trois interprètes donnent bien à voir la même histoire, les coupures rythmiques de la batterie accentuant le discours gestuel du duo dansant.

Paul Changarnier portrait de Claudia Hansen.

Paul Changarnier explique cette cohérence par sa découverte de la danse contemporaine en 2010, lors de sa formation au CNSMD de Lyon, se rappelant comment la chorégraphe Sandrine Maisonneuve invitait les musiciens à venir découvrir le travail des danseurs et pour cela à franchir la frontière très tangible de la Saône. Il travaille en 2011 avec cette chorégraphe pour  Where do our fathers sleep puis en 2012 avec Yuval Pick pour No play hero. La même année, il co-fonde le Collectif A/R avec les danseurs Thomas Demay et Julia Moncla avec qui il crée États des Lieux. En 2013, il fait partie de la création de la Cie Léda/ Maud Le Pladec, Democracy. En 2015, il crée C O R P O R E L S avec le Trio SR9, explorant un premier rapport musique/geste. En 2016, avec le Collectif A/R, il dirige sa première recherche chorégraphique h o m e qu’ils créent à Paris en mai 2017 et fait partie de la nouvelle création 2018 L’Homme de la rue.

La découverte d’un nouveau langage à travers la danse contemporaine l’inspire donc au point de se lancer dans l’aventure chorégraphique tout en poursuivant ses explorations musicales au sein de plusieurs groupes (Trio SR9, Ensemble TaCTuS, Dog Food).

h o m e, Collectif A /R, crédit photo Guillaume Ducreux.

Pour h o m e, Paul Changarnier s’est aussi beaucoup inspiré du cinéma notamment de deux auteurs : Peter Kubelka qui travaille entre autre sur le battement noir/lumière et Martin Arnold connu pour son utilisation quasi obsessive du found footage. On pense aussi à la chronophotographie, les cut up gestuels et visuels de h o m e, dûs notamment à l’utilisation de lumière stroboscopique, découpe la matière de la même façon qu’au cinéma, proposant répétition, bégaiement, distorsion , épuisement jusqu’à transformation du geste.

h o m e, Collectif A /R, crédit photo Guillaume Ducreux.

Ce vocabulaire chorégraphique a justement été puisé dans des scènes de films, des photos, des postures, du mime s’inspirant d’actions très quotidiennes que l’on peut faire chez soi, at home. Cette gestuelle maintient le spectateur sur la limite entre distance et intimité. Ce couple qui répète et bégaie ses gestes ce pourrait être nous et en même temps, son état de corps entre robot et animalité nous dérange. Un état de corps qui travaille sur une haute densité, une forte tonicité musculaire développant une organicité différente, on pense aux répliquants de Blade Runner. On salue la physicalité de Julia Moncla et Thomas Demay, ils excellent dans une gestuelle tellement éloignée des propositions actuelles de la danse contemporaine, plus organiques, moins hachées moins musculairement tendues. Le dessin des muscles des danseurs dans certaines postures est parfois impressionnant et rien ici n’est gommé de la difficulté de tenir le geste ou de le répéter.

Autre constat, le génie de Paul Changarnier de faire co-exister dans une véritable complicité, danse et musique. On sait à quel point cette co-présence peut être difficile voire conflictuelle ou parasitante. Affirmant la place du musicien sur scène, loin d’être relégué dans un coin ou en fond de scène, la batterie installe son espace, sa maison. Le spectacle démarre d’ailleurs par un long temps de silence figé dans un pré-mouvement du batteur, contrainte physique terrible que le spectateur apprécie comme une performance. Image très forte, qui raconte un chemin narratif au cœur de l’immobilité. Lorsqu’il frappe enfin la caisse claire, la batterie devient un centre autour duquel le duo de danseurs développe des trajectoires, l’intégrant dans sa propre histoire, créant un espace mouvant, vivant autour d’elle. On est aussi frappé par la précision quasi horlogère de certains repères musicaux sur lesquels les danseurs calquent leur gestuelle, et on découvre avec amusement que pour autant la musique est arrivée très tard dans la pièce et que pendant le processus de création d’autres musiques leur ont été proposées. L’idée étant qu’ils intègrent au préalable leur propre rythme corporel, organique. Paul Changarnier explique que chaque séquence a été construite avec un focus différent, un tempo particulier, qu’il a utilisé des outils non chorégraphiques mais issus de sa sensibilité rythmique ou de ses références cinématographiques.

 

h o m e I Teaser 2017 from Collectif A/R on Vimeo.

h o m e, une première pièce chorégraphiée par Paul Changarnier de façon sensible qui laisse se mêler les talents de chacun. Une forme de règle au sein du Collectif A/R qui instaure une porosité des désirs au sein du groupe, la prochaine création pour l’espace public L’Homme de la rue, est initiée par Thomas Demay et prévue pour l’été 2018.

Pour en savoir plus sur Paul Changarnier c’est ici ! Sur le collectif A/R c’est  !

Image de Une, visuel de h o m e, Collectif A /R, crédit photo Guillaume Ducreux.

 

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