Comme un trio de Jean-Claude Gallotta, une chorégraphie comme un film

Le trio est un format qui revient de temps à autre chez Jean-Claude Gallotta, une façon de concentrer l’énergie dans des rapports plus intimes entre les danseurs et d’offrir une belle sensualité aux spectateurs. On se souvient du merveilleux Daphnis et Chloé, de Pandora et plus récemment de L’étranger d’après le roman éponyme de Camus, pièce qui marquait comme un rapprochement avec la littérature. Creusant ce sillon, le chorégraphe dit s’être inspiré de Bonjour Tristesse, premier roman de Sagan pour Comme un trio. Une inspiration qui le conduit bien au-delà du roman, Comme un trio se voit comme un film d’auteur, bien sûr, on pense à la Nouvelle vague clairement évoquée à travers la voix de Brigitte Bardot dans Le Mépris. Et comme les dialogues d’un film, les voix nous portent ici et soutiennent la chorégraphie sans la parasiter : voix du chorégraphe qui se raconte à travers sa recherche de Sagan, voix de Sagan dans divers entretiens radiophoniques, voix de journalistes qui racontent des événements de la vie de Sagan. On plonge dans ces années soixante qui nous paraissent à la fois lointaines et porteuses d’une modernité qui résonne encore.

Comme un trio, Jean-Claude Gallotta (c) Guy Delahaye.

Ouvrir le roman de Sagan et s’étonner de ces phrases rapides, lapidaires, du jeu trouble de ces personnages, de l’hédonisme assumé des uns, de leur morale adaptable et de cette fureur de vivre qui confine à la folie.

Lire Comme un trio et y retrouver cette fièvre, ces jeux troubles entre les protagonistes, cette sensualité dont on ne sait si elle naïve ou perverse. L’écriture chorégraphique de Gallotta, précise, incisive, décalée qui est sa signature colle parfaitement au propos, s’y ajoute une forme de lyrisme donnée par la musique et les gestes précieux et sensuels des interprètes. La dramaturgie affirmée de la pièce, son montage cinématographique comme une succession de collages qui forment l’univers du chorégraphe : Godart, Sagan, Billie Holliday, Tina Turner pour ne citer que ceux que l’on a reconnus, renforce l’impression de voir se dérouler une histoire. Comme souvent c’est une histoire d’amour qui finit mal, on y croise des jalousies, de l’inconstance, du jeu et de la joie parfois.

Comme un trio, Jean-Claude Gallotta (c) Guy Delahaye.

Ces sentiments sont parfaitement interprétés par les trois danseurs. Compagnons de longue date de Jean-Claude Gallotta, Thierry Verger et Béatrice Warrand sont gallotiens jusqu’au bout des doigts, et incarnent l’écriture du chorégraphe. Mention spéciale à Béatrice dont l’élégance un peu distante, la grâce du corps un peu las s’inscrit avec justesse dans son personnage. Georgia Ives, interprète de la compagnie depuis quelques années, apporte l’énergie et la folie de la jeunesse, la sensualité d’un corps parfait et une belle émotion lorsqu’elle chante Bonjour Tristesse.

Jean-Claude Gallotta nous surprend une fois de plus et renouvelle son art, Comme un trio, nous intrigue et tout est dit dans ce titre ou le « comme » prend valeur de trouble et de questionnement. Duo, trio, mise en abîme et en miroir, répétition des gestes d’un duo à l’autre comme si l’une valait l’autre, une triangulation amoureuse qu’il écrit à petits gestes précis, en lents développés des jambes ou en traversée rapide du plateau. Entre fièvre et douceur, les gestes se déploient, l’intrigue se noue et la fin, égale au commencement, nous laisse comme un pincement au cœur.

Comme un trio, Jean-Claude Gallotta (c) Guy Delahaye.

Comme un trio d’après Bonjour Tristesse de Françoise Sagan.

Chorégraphie Jean-Claude Gallotta assistante à la chorégraphie Mathilde Altaraz/ dramaturgie Claude-Henri Buffard/ avec Georgia Ives, Thierry Verger, Béatrice Warrand / Musique originale Strigall / costumes Marion Mercier assistée de Jacques Schiotto / lumière Benjamin Croizy assisté de Dominique Zape.

Production Groupe Émile Dubois / Cie Jean-Claude Gallotta  avec le soutien de la MC2 : Grenoble et avec l’aimable autorisation de Denis Westhoff.

Comme un trio, Jean-Claude Gallotta (c) Guy Delahaye.

En tournée

Du 11 au 15 décembre 2018 à la MC2 de Grenoble

Le 25 janvier 2019 Espace culturel François Miterrand Canteleu

Le 26 janvier 2019 Théâtre Casino Barrière Deauville

Du 6 au 10 mars 2019 MC2 tournée départementale Isère

4 mai 2019 théâtre de St Vallier

10 mai 2019 théâtre de Nevers

En savoir plus sur la compagnie de Jean-Claude Gallottaz c’est ici !

Image de Une visuel de Comme un trio, Jean-Claude Gallotta crédit photo Guy Delahaye.

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