Les Chorisques

Le temps du festival DansFabrik, Brest est devenu la capitale de la danse. Poésie urbaine, art chorégraphique à l’intense diversité, spectacles français, belges, kényans, allemands… le programme était chargé. C’est comme ça qu’on danse a choisi pour vous cinq oeuvres, à découvrir chaque jour sur notre site pendant une semaine.

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Prenez un ensemble de choristes, le morceau Nicht so traurig, nicht so sehr de Bach, le chorégraphe contemporain Mickaël Phelippeau, saupoudrez d’un brin d’humour, agitez le tout… et vous obtenez “Chorus”, le spectacle de cloture du festival DansFabrik 2013.

En apparence, l’ensemble a capella Voix humaines a tout du choeur classique. Sobrement vêtus d’une tenue noire, ces 24 professionnels se tiennent droit, l’air grave, et attendent que le chef de choeur leur fasse signe de commencer. Un mouvement de tête de ce dernier, et voilà leur voix divines qui entonnent avec harmonie les premières mesures du morceau.

 

Mais bien vite, nos choristes vont être frappés de drôles de symptômes…  Ou bien ce sont nos oreilles qui disjonctent ? Chaque voix prend sa liberté et oublie le reste du choeur. Les tons partent dans les graves, les aigus, laissant place à la cacophonie. Puis, comme par magie, la discorde cesse et la musique redevient parfaitement juste. Le public pense avoir été victime d’une hallucination, mais se tient en alerte.

 

Maintenant, cinq choristes reprennent le premier couplet. Un autre chanteur s‘avance sur la scène. Mais au lieu de se placer à côté de ses collègues pour les accompagner, le voilà qui se met à taper dans le dos de l’un d’entre eux ! La voix du choriste se met à vibrer, mais il continue de chanter, comme si de rien était.

Un autre coquin arrive par derrière et place sa main devant la bouche d’un autre soliste. Il continue son phrasé sans broncher… mais Nicht so traurig, nicht so sehr prend des allures de remix techno puisque : chaque syllabe est atteinte de réverbération !

Le comique de situation continue : un troisième complice se place derrière un autre chanteur, et exerce une pression sur son ventre. A nouveau, la dissonnance résonne dans le Grand théâtre du Quartz, à laquelle se mêlent les rires du public.

Ténor, alto, soprano : à chaque voix son pas de danse

Une nouvelle session commence. Les spectateurs, comblés, attendent avec impatience quel sera le prochain détournement de ce grand classique, qui, décidément, n’est pas prêt d’arriver au bout de ses 15 couplets.

Les choristes se sont éparpillés sur la scène, chacun dans une position différente. Trois femmes commencent le couplet, unissant leurs voix au même mouvement de danse. Les autres leur répondent chacun leur tour. A chaque type de voix (ténor, alto, soprano) …correspond un pas de danse différent, comme si, au final, chaque note était illustrée par une expression du corps.

Echanges de voix, union de corps

Pendant une heure, les parodies s’enchainent. Seuls les hommes restent sur scène, mais, miraculeusement, ce sont des voix féminines qui sortent de leurs bouches : en réalité, ils font du playback tandis que les femmes chantent, cachées dans les coulisses !

Les voilà allongés les uns sur les autres dans une scène presque orgiaque : chacun s’enlace, se carresse, se blottit l’un contre l’autre tout en chantant en canon.

Chorus – Crédits photo : Alain Monot

Music hall et cours d’allemand

Cette fois, une soliste à la voix suave entonne “Nicht so traurig, nicht so sehr, meine Seele, sei betrübt” sur l’air d’ “I will survive”. Elle finit la dernière phrase du couplet, lascive, allongée sur le devant de la scène, en montrant sa jambe galbée chaussée d’un talon aiguille.

Dans une autre scénette, le chef de choeur reprend systématiquement une choriste qui peine à prononcer correctement l’allemand dans la dernière phrase du premier couplet : “hast du Gott, so hats nicht Not” (essayez, c’est effectivement mission impossible).

 

Les lumières s’éteignent. Quand elles se rallument, les choristes sont dans la salle et encerclent les spectateurs, pour proclamer, une bonne fois pour toute, l’intégralité de Nicht so traurig, nicht so sehr. Tonnerre d’applaudissement.

 Karaoké

Heureusement, ces choristes qui décidément, aiment prendre des risques, ont même prévu un “bêtisier” du “bêtisier”. Comme au cinéma lors du générique, une dernière scène apparaît sur un écran -descendu spécialement pour ce final-. Voilà le choeur en pleine action sur des steps d’une salle de sport, sur fond de Bach, remixé à la sauce année 80 ! Mais cette fois, leur voix se taisent. C’est aux spectateurs de prendre le relais, à en croire les paroles qui défilent en jaunes sur l’écran comme pour un karaoké.  A vous les micros !

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« Chorus », de Michaël Phelippeau, avec l’ensemble a capella Voix humaines, sera en tournée le 20 avril 2013 à Essen, Pact Zollverein, puis le 17 mai 2014 au Théâtre de Bretigny (91).

 

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