On avait découvert avec un vrai plaisir Marco da Silva Ferreira, jeune chorégraphe montant de la scène chorégraphique portugaise lors de son passage à [re]connaissance 2015 où il avait raflé un second prix du jury fort mérité avec Hu(r)mano et décroché dans la foulée une invitation de résidence au CCN de Rilleux La Pape. Il y a récemment présenté une étape de travail de sa prochaine création Brother.
Brother, comme la pièce précédente s’intéresse à la généalogie et aux similitudes que l’on peut retrouver d’une génération à l’autre ou d’une culture à une autre. Hu(r)mano explorait les différentes danses urbaines en exploitant les tensions entre le « human me » et le « urban we », à travers quatre corps très différents (trois garçons et une fille) mais partageant la même énergie confiante en leurs capacités respectives pour aboutir à une communauté dansante qui se retrouvait dans des postures/sculptures d’une poésie intrigante alors que l’engagement physique était par ailleurs incroyable.
Brother, nous permet de retrouver quatre interprètes de la pièce précédente auxquels viennent s’ajouter un garçon et une fille diversifiant encore les corporéités présentent au plateau. Des morphologies et des capacités physiques et d’interprétation très diverses font que les six protagonistes de Brother semblent proposer un condensé d’humanité.
Marco da Silva Ferreira explique que pour cette pièce, il est parti du visionnage de danses plus ou moins anciennes et ethniques trouvées sur le net et qu’il s’est inspiré de celles-ci pour écrire un vocabulaire chorégraphique. Il a aussi mis chaque danseur à contribution demandant à chacun sa propre lecture ou interprétation. Pour autant la pièce est très écrite et même si la démonstration donnée au CCNR n’est qu’une étape de travail celui-ci est déjà très avancé.
Lors de la démonstration trois temps sont apparus. Les premières 30 minutes correspondent à une sorte de scène d’exposition dans laquelle les danseurs s’approchent et s’apprivoisent en développant à travers la répétition de mouvements proposés par les uns ou les autres un vocabulaire chorégraphique. Pour faire groupe et communiquer il faut s’approprier un langage commun, et le parler ensemble. Les procédés de répétition, unisson sont donc particulièrement utilisés dans cette première phase de la pièce, on en comprend parfaitement la nécessité qui soutien le propos du chorégraphe : on ne peut être un frère humain que si l’on fait le travail d’aller sur le terrain de l’autre, de le reconnaître et d’accepter d’échanger avec lui. Pour le chorégraphe, la danse est ce pont qui peut nous relier entre le passé et le présent, l’ici et l’ailleurs, en se fabriquant une bibliothèque de gestes communs. Pour autant cette phase est longue et la nécessité des procédés, répétition/accumulation, travail d’unisson finit par lasser et l’on accueille avec joie l’arrivée une deuxième phase où solos et duos ouvrent le regard. L’occupation très circulaire du plateau s’organise différemment et laisse place à d’autres qualités de mouvement et de temporalité de celui-ci, grâce aux individualités marquées des interprètes.
Le troisième temps intervient avec le retour des danseurs sur le plateau ce dernier resté vide un instant, il se peuple à nouveau de figures étranges et familières, comme sorties d’un imaginaire collectif. Les danseurs revêtus d’oripeaux fabriqués à partir d’objets ordinaires détournés (magnifique paire d’oreilles faites de tongs passées dans un bandeau !) nous transportent dans un univers exotique, cet ailleurs qui nous attire comme touristes mais que nous craignons lorsqu’il passe nos frontières ! Pourtant derrière ces figures étonnamment masquées, les gestes déclinés nous renvoient à des danses ressurgies d’un passé commun à l’humanité toute entière, danses folkloriques, danses tribales, danses de parade ou de prière, danse comme expression de l’humain quel qu’il soit où qu’il vive et par delà le temps. On retiendra, l’entrelacs des emprunts (belly dance et voguing par exemple) et d’incroyables images comme la danseuse Anaísa Lopez qui basculant tête en bas se transforme en totem qui se déplace sur le plateau ou ce duo d’hommes se confrontant poitrine contre poitrine comme dans une parade de coqs. Ainsi Brother, nous parle d’héritage, de codes, de transmissions et de transformation ou de subversion de tout cela, une culture à l’œuvre parfaitement soutenue par une musique live jouée par Rui Lima et Sergio Martins dont on souligne l’excellence du dialogue avec la chorégraphie.
On l’aura compris, cette étape de travail promet une nouvelle pièce tout aussi forte et intense qu’Hu(r)mano, Marco da Silva Ferreira développe une chorégraphie de haute intensité, proche parfois de la transe avec un engagement physique sans répit pour les danseurs. Comme le dit le chorégraphe « Brother is a constant bother », Brother est un effort constant !
Brother
Direction artistique et chorégraphie Marco da Silva Ferreira. Assistante Mara Andrade. Interpètes Filipe Caldeira, Vítor Fontes, Anaísa Lopes, Cristina Planas Leitão, Max Schumacher, Duarte Valadares. Direction technique et lumière Wilma Moutinho. Musique Rui Lima et Sérgio Martins. Responsable de production Célia Machado. Production Pensamento avulso, associação de artes performativas. Coproduction São Luiz Teatro Municipal, Teatro Municipal do Porto Rivoli e Campo Alegre, Les Subsistance- Laboratoire International de création artistique, Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape.
Où et quand ?
Première 21 janvier 2017 Theatro municipal do Porto, Portugal
24 et 25 mars Sao Liuz Theatro municipal Lisbonne, Portugal
Avril et mai Centro de Arte de Ovar, Portugal
En savoir plus sur la Cie Pensamento avulso c’est ici !
Image de Une, Brother, Cie Pensamento avulso (c) Marco da Silva Ferreira.