En 2013 on fête les 100 ans du Sacre du printemps ! Il y a cent ans déjà, ce chef-d’œuvre de la modernité voyait le jour sous les yeux mi- horrifiés mi- ébahis du public parisien du Théâtre des Champs Elysées, pourtant habitué à voir chaque année les Saisons russes éblouir les scènes de la capitale.
Cette année là pourtant, le tandem Stravinsky / Nijinski frappa fort.
Puisant dans les racines archaïques de la Russie, le ballet illustre le spectacle d’un grand rite sacral païen.

La partition est totalement déroutante tant elle innove par la complexité de sa structure rythmique. Quant à la chorégraphie, elle intègre des mouvements extrêmement novateurs, rejetant les codes de la danse classique : pieds en dedans, mouvements angulaires, corps ancrés dans le sol faisant fi de l’élévation verticale propre au ballet.
Le public mondain de cette première représentation qualifiera le spectacle de « massacre du printemps », et il ne sera donné que huit fois.
Rien ne prédestinait donc le Sacre à fêter ses 100 ans. Et pourtant il deviendra La pièce mythique à laquelle de nombreux chorégraphes se sont confrontés. Pour ne citer que les plus célèbres : Mary Wigman (1957) Maurice Béjart (1959) John Neumeier (1972), Pina Bausch (1975) Mats Ek (1984) Angelin Preljocaj (2001), Jean Claude Gallotta (2011)… On compte aujourd’hui près de 200 versions chorégraphiées sur la musique du Sacre !
Un 197ème Sacre ?
Le centenaire de sa création était donc l’occasion pour certains de venir puiser à sa source une nouvelle fois.
C’est le cas de la chorégraphe Dominique Brun qui crée la cent-quatre-vingt-dix-septième version (?) : Sacre#197
Dominique Brun avait déjà travaillé sur une reconstitution du Sacre pour le film Coco Chanel & Igor Stravinsky en 2008, de Jan Kounen. La chorégraphie originale ayant disparu, seules quelques archives permettaient de réaliser une reconstitution historique à peu près fidèle.
Le Sacre du Printemps scene, « Coco Chanel & Igor…
Après la reconstitution, Dominique Brun s’attela à la création. Dans Sacre #197 la chorégraphe propose six danses sacrales à partir de dessins de 1913 de Valentine Gross Hugo reflétant la danse de Vaslav Nijinski.

Elle invite sur scène des interprètes – pour la plupart aussi chorégraphes – Cyril Accorsi, François Chaignaud, Emmanuel Hyunh, Latifa Laäbissi, Julie Salgues et Sylvain Prunenec à s’inspirer de ces archives et de la partition de l’Après Midi d’un Faune de Nijinski (ballet tout aussi scandaleusement célèbre que le Sacre).
Véritable création, Sacre #197 n’élimine pas pour autant la question des sources qui semblent visiblement inspirer la gestuelle et les costumes des interprètes.
« Curieusement, je n’avais pas en tête de faire un Sacre, j’avais plutôt l’idée de faire un travail qui s’inscrive, en création, dans la démarche autour des archives que j’ai utilisées pour le film Chanel et Stravinsky de Jan Kounen. Je voulais faire tomber les fantasmes d’authenticité qui sévissent dans les discours de la danse lorsque l’on reconstruit une pièce. (…) Il est très rare de pouvoir prétendre à l’authenticité. On ne peut parler que d’interprétation d’un texte et il y a toujours une part de trahison. Mon propos ici était plutôt l’idée de la reconstitution par la création : je génère de la fiction à partir de matériaux que vous appelez les sources, qui sont donc rattachées au réel de la production d’origine. »(D.Brun pour le Journal La Terrasse)
Puisant dans le vocabulaire original pour créer une forme nouvelle on retiendra de ce spectacle de très beaux moments : un solo sur pointe de François Chaignaud, une ronde de danseurs à la fois pure et très primitive, une danse à la limite de la bestialité.

Néanmoins le mouvement peine à atteindre la puissance de la création musicale qui propose une totale redécouverte des sonorités du Sacre, tantôt chantée sur scène par une interprète mezzo soprano, tantôt électrique et percutante.
On peut également regretter qu’à l’occasion d’une représentation qui quitte les frontières de la capitale le public ne reflète pas une large ouverture de la danse contemporaine. C’est dommage : le Sacre, c’est aussi une innovation esthétique qui a su passer de l’entre-soi des critiques parisiennes à l’amour du grand public.
En 2013 – 2014, Dominique Brun entamera la seconde partie de son projet autour du Sacre : Sacre #2, une reconstitution patrimoniale – la deuxième historiquement – de la danse du Sacre du printemps de Nijinski.
Entre création, recréation, inspiration, le Sacre du printemps n’a pas fini de nourrir la danse d’innovations !
Pour voir Sacre #197
Sacre #197 sera au Centre National de la Danse (Pantin, 93) du mercredi 20 au vendredi 22 mars 2013 / 20h30
En complément du spectacle Dominique Brun propose un stage de danse autour du Sacre du Printemps, pour les danseurs amateurs – à partir de 14 ans : Samedi 26 et Dimanche 27 Janvier 2013 : de 11h à 13h et de 14 à 17h.
Coût du stage avec repas compris : 60 € (50 €pour les moins de 26 ans et les étudiants) – Inscription au théâtre des Bergeries (Noisy le Sec, 93) tél. 01 41 83 15 20. www.letheatredesbergeries.fr
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