Parcours d’artiste : Eric Fessenmeyer, Cie La Cavale, l’altérité nourrissante

Plus que de son parcours, Eric Fessenmeyer parle de La Cavale, la compagnie qu’il a co-fondée avec Julie Coutant. Une compagnie dont les pièces, qu’il s’agisse de soli ou de pièces de groupe, ont une cohérence : rencontrer l’altérité pour s’en nourrir. Respecter la singularité des interprètes et cultiver l’espace, l’écouter, jouer avec, faire entrer en résonance, et créer une matière particulière.

Portrait de Julie Coutant et Eric Fessenmeyer © Géraldine Aresteanu.

Eric Fessenmeyer pratique à sa manière l’œuvre ouverte. Plutôt que de converger vers une idée de départ, celle-ci n’est qu’un prétexte, comme une impulsion donné au chorégraphe qui ensuite s’appuie sur les interprètes. Il se sert de la musicalité propre à chacun et de la juxtaposition de ces différentes musicalités pour en faire un chœur mélodique comme dans le quintet De(s) Personne(s), par exemple.

De(s) Personne(s), compagnie La Cavale ©Xavier Bourdereau.

Les maîtres mots des processus de création pourraient être détermination et ouverture car autant le travail laisse place à l’inconnu, à la spontanéité et à la singularité du mouvement, autant il y a une exigence d’écriture dans chaque pièce. Le travail de La Cavale s’écrit au fil de recherche de paradoxes ou d’oppositions, conjuguer dissociation et connexion, garder sa nature propre et développer une porosité avec les autres, l’environnement, l’espace, la lumière, accepter l’interdépendance sans la subir, travailler à la conjonction de trajectoires multiples.

 

Suite, compagnie La Cavale ©Thomas Sillard.

Ainsi dans le duo Suite, l’écoute entre les deux interprètes crée une relation quasi gémellaire sans qu’il n’y ait jamais de contact entre les deux corps qui pourtant interagissent parfois comme une seule entité, comme si l’espace entre, figurait une membrane invisible mais nécessaire à la respiration de chacun.

Eric Fessenmeyer s’est confronté à une autre forme d’altérité dans le solo [Oscillare], celle d’une matière à apprivoiser : le carton. Ayant visité le labyrinthe de carton installé au 104 par Pistoletto, le chorégraphe « s’interroge sur les mouvements potentiels de cette matière carton et commence à en imaginer les possibles ». Il travaille en studio avec cette matière qui oscille entre matière molle par temps humide et matière sèche voire craquante par temps sec. Il observe au cours du processus de création l’interaction qui se crée entre son corps et la matière, chacun devant s’adapter à l’autre. Le carton devient alors un partenaire d’expérimentation, un prolongement du geste du danseur, s’en suit un jeu infini qui déploie des possibles renouvelés à chaque représentation.

[Oscillare], compagnie La Cavale © Xavier Bourdereau.

Cette expérience, le carton comme vecteur pour travailler sur soi, Eric Fessenmeyer a eu envie de la partager avec d’autres et c’est ainsi qu’est né le projet participatif My Craft en partenariat avec les  Éclats de La Rochelle.

« My Craft, invite donc une cinquantaine de jeunes Rochelais âgés de 10 à 25 ans à pratiquer la danse par la rencontre avec cette matière carton, lors de sessions d’ateliers qui auront lieu à l’automne 2018. La perspective de la réalisation d’un film pendant et à partir de cette expérience en est la finalité. J’invite alors le réalisateur Thierry Thibaudeau à m’accompagner pour sa poésie et ses expériences similaires avec des adolescents. »

Pour ce projet 5 groupes d’horizons différents et portant des regards variés sur la danse ont été constitués. Les jeunes travaillent pendant 5 semaines dont 3 en présence du réalisateur Thierry Thibaudeau qui filme les ateliers. Un groupe a un rôle particulier chargé de fabriquer une matière sonore à partir du carton et de leurs corps, matière qui sera ensuite retravaillée par Thomas Sillard, compositeur de la musique de [Oscillare].

À travers ce processus de création, le chorégraphe cherche à ouvrir les jeunes à une forme de curiosité nouvelle, une exploration qui les confronte à une matière banale qui va les conduire dans une physicalité dont ils ne savent rien au départ puisqu’elle va dépendre du jeu que chacun d’entre eux va accepter avec cette matière. Il aimerait qu’au final on puisse reconnaître la signature de chacun, comme un portrait ouvert, non figé mais qui raconte une rencontre improbable et poétique.

Visuel My Craft, compagnie La Cavale © Séverine Charrier.

Outre ces moments d’ateliers, un week-end de filage est prévu. Volonté du chorégraphe de déplacer les danseurs dans un lieu choisi, autre que le studio de travail, pour un filage magnifié par un éclairage spécifique et entièrement filmé par le réalisateur. De toutes ces captations naîtra une nouvelle œuvre comme un documentaire poétique témoignant du parcours suivi pour aboutir à un objet artistique singulier. Le film My Craft sera diffusé en 2019.

Parallèlement à ce projet collaboratif et participatif, La Cavale poursuit son travail d’écriture chorégraphique en interne, en rassemblant pour un duo deux interprètes de la compagnie mais qui n’ont jamais travaillé ensemble. Deux singularités celle de Laureline Richard et d’Yvan Fatjo choisies par Julie Coutant et Eric Fessenmeyer pour une pièce inspirée de L’amour de Marguerite Duras. Trio plutôt que duo, Eric Fessenmeyer dit que chez lui un plus un font souvent trois tant il faut prendre en compte l’espace entre, ou ici ce que l’on ne voit pas mais qui coexiste, une « triangulation fictive » avec un partenaire abstrait mais qui influe bel et bien sur la gestuelle des danseurs. Pas de relation binaire entre eux, un enjeu : rendre visible l’impalpable, comme l’opale diffracte la lumière qui passe en son travers et révèle un spectre coloré. Une scénographie inventive de jeux de lumière sur un tapis mat et un tapis miroir, renforce ce phénomène de diffraction multipliant les images des corps, comme autant de facettes à découvrir. La diffraction comme révélateur de l’invisible ouvrant le chant des possibles.

Opale, Compagnie La Cavale © Séverine Charrier.

Opale création 2019

Conception et chorégraphie Julie Coutant Eric Fessenmeyer. Interprétation / Collaboration artistique Ivan Fatjo Laureline Richard. Création lumières Josué Fillonneau. Création musicale Eric Brochard.Mise en son Raphaël Guitton. Production Compagnie La Cavale.

En tournée

Opale, Compagnie La Cavale © Séverine Charrier.

Jeudi 8 novembre 2018 18h30 Chapelle Saint-Vincent Les Eclats La Rochelle (17) Répétition publique

Mardi 5 février 2019 THV de Saint-Barthélémy d’Anjou (49) Création

Jeudi 7 février 2019 Scènes de Territoire Bressuire (79)

Jeudi 21 mars 2019 Centres Culturels Municipaux de Limoges (87)

Automne 2019 CDCN La Manufacture Bordeaux (33)

Et aussi

Vendredi 26 à 20h30 octobre 2018, SAS  au Centre culturel René d’Anjou à Baugé-en-Anjou (49)

Samedi 17 novembre 2018, Variation MY CRAFT  Impromptu chorégraphique par les danseurs de ULTIMATUM dans le Hall de La coursive, Scène nationale de La Rochelle / Dans le cadre du festival SHAKE – Marathon de la danse 2018 – partenariat avec CCN Le Rochelle (17)

Pour en savoir plus sur la compagnie La Cavale c’est ici et toutes les dates c’est !

Image de Une, visuel de [Oscillare], compagnie La Cavale, solo d’Eric Fessenmeyer crédit photo Séverine Charrier.

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