Jérôme Ferron et Frédérike Unger ont créé la compagnie Étant donné en 1998, un de leurs objectifs affichés est de proposer : « une expression sensible des idées ».
Au printemps dernier ils étaient au Pacifique/CDC de Grenoble pour une courte résidence, on y a croisé des danseurs studieusement plongés dans On ne badine pas avec l’amour de Musset, on a beaucoup entendu de musique classique et à l’issue de deux semaines de travail la compagnie a proposé une répétition ouverte qui préfigure, peut-être, leur prochain spectacle.
Et là, on assiste à un état de création où les références se bousculent : académiques revisités façon kitsch psychédéliques, on retrouve du Faune dans la chorégraphie, des tableaux-compositions scèniques qui rappellent l’art pictural classique, des références théâtrales qui croisent Musset et Marivaux le tout sur un requiem de Mozart, et par delà tout ce qui arrive à l’esprit du spectateur averti, il y a de l’humour, de la dérision, un vocabulaire chorégraphique et une occupation du plateau qui laisse penser que la pièce est déjà bien écrite ou que pour le moins la partition est en cours…
Laissons les principaux intéressés nous guider dans leur cheminement …
Quels sont vos principaux moteurs d’inspiration, en général et pour cette pièce en particulier ?
Notre travail est assez référencé, et nos inspirations diverses, allant de l’Histoire de la Danse et du Ballet, en passant par l’Histoire de l’Art ainsi qu’à travers des partitions mythiques de Stravinsky, Ravel, Tchaikovsky, Moussorgsky… et Wolfgang Amadeus Mozart pour la création de Partition(s).
Ces références, souvent énormes, sont bien évidement un risque de plus pris dans l’aventure incroyable qu’est une création. Cependant, ces « mastodontes » ne sont jamais le sujet principal, elles prennent place au milieu d’une multitude d’éléments clés qui se doivent d’apporter du sens, nourrir notre imaginaire et celui du spectateur et permettre la réflexion. Notre plaisir à utiliser ces références se situe dans la production de décalages. Sans doute, le désir de repositionner le regard, l’écoute et la pensée du spectateur sur une œuvre à travers les nôtres.
D’autres inspirations plus discrètes, nourrissent notre travail et surtout nos interprètes…principalement la littérature, R.Barthes (Fragments d’un discours amoureux) pour Les Noces ou A. De Musset (On ne badine pas avec l’amour) pour Partition(s) ainsi que la peinture et les Arts Plastiques, Fragonard, Botticelli, Marcel Duchamp…
Comme je le précisais précédemment, ces références ne sont en aucun cas les sujets de nos pièces, elles sont convoquées après mûre réflexion, à accompagner notre pensée et les concepts, principaux sujets de nos œuvres comme la Beauté, le Temps, la Vacuité, l’Absurde, Le Désir, la Liberté…!
Comment faire le lien entre la pensée à l’œuvre et les corps donnés à voir sur le plateau ?
Pour nous ce lien se doit d’être un jeu, et de le devenir pour le spectateur. Nous tentons à travers nos pièces de faire du spectateur, un être sensiblement et physiquement concerné par ce qui lui est donné à voir. Les corps en scène sont ceux du public, ils vibrent ensemble, réfléchissent ensemble, jouent ensemble, comme lors d’une partie d’échecs.
C’est aussi dans cet esprit là, que nous aimons jouer avec les éléments qui constituent le théâtre et le moment sacré de la représentation…Ce moment magnifique où tout est si vivant, vécu, lumineux et pourtant tout est faux. On fait semblant comme les enfants. Dans beaucoup de nos pièces on retrouve ces jeux d’enfants, rébus, cache-cache, déguisements, masques, défis idiots et même desjouets…
Sur votre site pour découvrir votre démarche il y a trois termes que j’ai retenus : absurde, dérisoire, poétique s’agit-il des ingrédients indispensables à votre travail de création ?
On ne commence pas une création en se disant qu’elle va être absurde, dérisoire ou poétique. Les trois termes que vous avez retenus sont très justes pour illustrer une partie de notre travail ou plutôt de notre style, mais ce ne sont que les conséquences de notre réflexion, associée à nos inspirations et nos méthodes de travail.
Notre style est souvent défini comme élégant, rigoureux, lumineux et drôle… !!!
Extraits d‘Absurdus, Cie Etant donné.
Un style à découvrir et en attendant la prochaine création de la compagnie Partition(s) prévue pour 2016, vous pouvez découvrir ou revoir leur travail en suivant leur tournée.
Infos sur la compagnie et calendrier des spectacles.
Image de Une, Les Noces, Cie Etant donné, photo©J.Ferron.