Rencontré lors du concours [re]connaissance auquel il assiste comme spectateur, la façon dont Bruno Pradet directeur de la compagnie Vilcanota depuis 2001 se présente, me donne envie d’en apprendre un peu plus.
Un rendez-vous téléphonique plus tard, je comprends que cet ingénieur de formation s’amuse très sérieusement à danser et que cela lui réussit. Comment expliquer ce succès populaire au sens noble du terme ?
Les spectacles de la compagnie Vilcanota se déclinent en RTT (Représentations en Théâtre Traditionnel) mais aussi en PTT (Pièces Tout Terrain) qui peuvent parfois se jouer dans l’UE (Urban Espace). On l’aura compris Bruno Pradet se rit du convenu et aime se frotter à l’art de la dérision et de l’humour.
Quand on lui parle de son travail, il répond modestement qu’il ne fait que du spectacle vivant et qu’il y a des choses plus graves dans la vie. .. sans doute…pour autant ses spectacles possèdent cette « politesse du désespoir » qui se traduit par un humour décapant ou une belle poésie pour parler de situations quotidiennes qui touchent au cœur de l’humain.
Cette préoccupation autour de ce que nous sommes, Bruno Pradet la décline de façons différentes avec des dispositifs techniques qui réapparaissent parfois d’une pièce à l’autre et qui peuvent annoncer un langage, même si son créateur s’en défend quelque peu : « Je ne cherche pas un langage, il me semble qu’il émerge au fil des ans, je ne suis pas dans une conception a priori, les choses se fabriquent au fur et à mesure avec les interprètes ».
Il y a pourtant une singularité dans les œuvres proposées.
L’irruption du burlesque dans la danse ( voir son premier solo Petit air du temps à cet égard) hérité de grands modèles de référence comme Buster Keaton ou Charlie Chaplin, ce dernier particulièrement admiré par sa capacité à lire et dire le monde tout en faisant rire. Le chorégraphe me rappelle que Le Dictateur date de 1940.
L’utilisation de dispositifs mécaniques ou techniques qui appareillent le danseur et le transforment parfois en circassien comme dans la pièce New Town, et là, Bruno Pradet reconnaît qu’il « reste quelqu’un de fasciné par la mécanique » qu’il s’arrête souvent pour regarder les gros engins de chantier dont il aime l’alliance de la puissance et de la douceur. Il avoue qu’un de ses regrets est de n’avoir pas pensé, avant Dominique Boivin à faire un duo avec une pelleteuse (Transports exceptionnels). Pourtant la technologie ne l’intéresse que pour les infractions poétiques qu’elle permet dans un spectacle.
À propos de sa pièce des Cailloux sous la peau, travail sur la matière en mouvement autour des recherches d’Etienne-Jules Marey sur les mouvements de l’air, il explique qu’il a fait remonter une machine à fumée de Marey mais qu’il a refusé les effets ou le traitement des images, préférant projeter une diapositive sur un voile qui bouge.
Plus bricoleur touche à tout génial que geek suréquipé, ce qui intéresse Bruno Pradet ce n’est pas la virtuosité technologique mais plutôt l’échange entre la mécanique des corps et la matière. Cet échange entre les corps et la matière se poursuit à travers l’expérience humaine de L’Homme d’habitude même si, ici, il s’agit de matière sonore qui entre en résonnance avec les corps présents sur le plateau qu’ils soient danseurs ou musiciens.
Pour sa prochaine création People what people, pièce pour « 7 danseurs peu d’espace et peu de temps » Bruno Pradet s’attaque à une question quasi philosophique, comment continuer à vivre ensemble, à se côtoyer de façon pertinente voire à donner un sens à nos vies alors que tout s’accélère et change d’échelle en permanence ?
« Avec 7 danseurs, je me lance dans une aventure complexe, j’ai ce besoin de me séparer des objets et de revenir à quelque chose de plus sociétal, moins entertainment que L’homme d’habitude, ce sera une pièce désencombrée d’objets et d’accessoires pour se concentrer sur la matière physique de la chair et des gens. Se questionner autour de la place du corps accompagné de ces musiques de fanfare qui sont des musiques populaires porteuses de moments sociétaux importants : cérémonies, défilés martiaux, fêtes populaires, etc… »
Humour corrosif, rire qui tâche parfois, Bruno Pradet pose cette question : « Comment être populaire lorsqu’on fait de la danse contemporaine ? ». Difficulté d’être reconnu et bien perçu dans un milieu qui peut s’avérer fermé, s’emparer y compris de la forme du divertissement pour partager les expériences, finalement comment aborder la complexité d’un monde un peu désespéré sans perdre le sourire ? Sa réponse : cette merveilleuse politesse du désespoir qu’est l’humour !
Voir les spectacles de Bruno Pradet :
ven. 08 janvier 2016 à 20h 30 : L’homme d’habitude La Lucarne – Arradon (56) en collaboration avec le théâtre Anne de Bretagne à Vannes
sam. 09 janvier 2016 : L’homme d’habitude Théâtre de Morlaix (29)
mar. 12 janvier 2016 : L’homme d’habitude Espace Albert Camus – Bron (69)
jeu. 14 janvier 2016 : L’homme d’habitude la Rampe – Échirolles (38)
ven. 15 janvier 2016 : L’homme d’habitude le Cèdre – Chenove (21) festival « Art danse Bourgogne », en collaboration avec le CDC et l’ABC à Dijon
Du mar. 19 janvier 2016 au ven. 22 janvier 2016 dans le cadre de « Villes en scènes » avec le CG de la Manche : Boby Boy
mar. 19 janvier 2016 à 14h 00 et à 20h 30 : Condé sur Vire (50)
mer. 20 janvier 2016 à 20h 30 : Lessay (50)
jeu. 21 janvier 2016 à 20h 30 : Brécey (50)
ven. 22 janvier 2016 à 20h 30 : Portbail (50)
jeu. 28 janvier 2016 : L’homme d’habitude Le train théâtre – Portes lès Valence (26)
sam. 30 janvier 2016 à 20h 30 : L’homme d’habitude le Forum – Fréjus (83)
ven. 05 février 2016 : L’homme d’habitude Yzeurespace – Yzeure (03)
jeu. 18 février 2016 : L’homme d’habitude Scène nationale de Narbonne (11)
sam. 20 février 2016 : L’homme d’habitude Théâtre Samuel Bassaget – Mauguio (34)
mer. 09 mars 2016 : L’homme d’habitude Espace Capellia – la Chapelle sur Erdre (44) en collaboration avec Cap Nort à Nort sur Erdre
Du dim. 20 mars 2016 au mar. 22 mars 2016 au théâtre d’Auxerre (89) Boby Boy
dim. 20 mars 2016 à 11h 00 puis en représentation scolaire : lun. 21 mars 2016 à 10h 00 et à 14h 00
mar. 22 mars 2016 à 10h 00 et à 14h 00
jeu. 14 avril 2016 : L’homme d’habitude la Sucrerie – Coulommiers (77)
ven. 15 avril 2016 : L’homme d’habitude Centre culturel de Taverny (95)
sam. 16 avril 2016 : L’homme d’habitude Maison du théâtre et de la danse – Epinay sur Seine (93)
mar. 10 mai 2016 : L’homme d’habitude MAC de Sallaumines (62)
ven. 13 mai 2016 : Boby Boy Foyer René Douce à Ventenac Cabardès (11) dans le cadre de la saison de l’association Arc en ciel
sam. 21 mai 2016 : L’homme d’habitude Centre culturel de Ferrals les Corbières (11) en collaboration avec les ATP de l’Aude
ven. 27 mai 2016 : L’homme d’habitude Noisy le Grand (93) dans le cadre du festival « chemin de traverse »
En savoir plus sur la compagnie Vilcanota
Image de Une, People What People, Cie Vilcanota ©Alain Scherer.