Les deux années que nous venons de vivre, ont résonné de façon très différentes dans les corps et nous ont parfois conduit à suivre de nouveaux chemins d’exploration ou de dévoilement de ce que nous sommes ou de ce que nous voulons exprimer.
Comme de nombreux artistes, Arthur Perole a vécu ces moments de confinements et de mise en sommeil de la diffusion mais aussi à travers différentes expériences qui lui ont permis de creuser plus profondément son travail autour de l’identité, du désir d’être ou de devenir et du rapport à l’autre.
À travers la rencontre avec de jeunes adolescents et la confrontation à leurs rêves entre deux confinements, qui donnera la série documentaire RÊVES réalisée avec Pascal Catheland, il découvre les identités multiples qui habitent ces adolescents, les limites floues, les difficultés à se projeter, le poids posé par les contraintes de la pandémie, et les amènent petit à petit à se réapproprier un espace de liberté à travers la fête. Le besoin de retrouver un espace commun où les relations amoureuses, d’amitié peuvent se déployer et les corps vibrer à l’unisson.
Une autre expérience vient nourrir la réflexion du chorégraphe, sa participation à la proposition de Wajdi Mouawad, Au creux de l’oreille qui met en contact un comédien-lecteur avec un spectateur-auditeur via un appel téléphonique. Arthur Perole devient un de ces lecteurs qui viennent partager autour de poèmes ou de chansons d’amour un moment d’intimité, une connexion des sentiments avec une personne à l’écoute, …en ces temps de premier confinement ou la réclusion devient une norme.
Ces moments de rupture avec nos habitudes de liberté de déplacement, avec les possibilités de s’exprimer au plateau au milieu d’un public, viennent questionner profondément l’artiste sur la façon dont on peut se raconter à l’autre, et petit à petit l’idée d’un solo devient une évidence.
Jusqu’à Nos corps vivants, ce que l’on connaissait d’Arthur Perole, hormis son beau parcours d’interprète, c’étaient les pièces de groupe qu’il propose depuis 2010 en tant que chorégraphe de la CieF. Pièces variées, tant en termes d’esthétique que d’énergie ou de traitement du corps, avec toujours cette énigme de l’identité, individuelle ou au sein d’un groupe.
Nos corps vivants, constitue ainsi une rupture dans le parcours du chorégraphe qui se met en scène seul, dans un dispositif qui le place au centre du public. Une façon pour lui de re-convoquer l’autre, de le réintroduire dans un espace commun. La place de l’autre comme révélateur de ce que nous sommes : comment être soi, avec honnêteté, alors que nous sommes multiples ? Comment exprimer la complexité qui constitue chacun d’entre nous ?
Arthur Perole prend le risque de se dévoiler, avec sensibilité, et honnêteté. Débardeur pailleté et ongles peints de noir, il affirme sa singularité. Son corps nous parle aussi de nous, de notre détresse, de notre besoin d’amour, de nos doutes mais aussi de la force qu’il faut pour se mettre à nu. Le titre de la pièce devient ainsi lumineux, à travers son solo, Arthur Perole partage avec le public une forme de catharsis car ce qui se dit ici, à travers son propre corps c’est ce que nos corps ressentent, ce que nos corps vivants, vibrants, partagent et échangent.
Le dispositif scénographique choisi par le chorégraphe incite à cet échange, spectateurs au plateau assis sur des chaises autour du danseur, placé sur un podium, musicien et éclairagiste, à vue du public sur le plateau également. La bande son de Marcos Vivaldi et les lumières d’Anthony Merlaud, jouent avec nos perceptions et sculptent la danse d’Arthur Perole qui dit avoir travaillé son corps comme de la pâte à modeler. Il parle aussi d’une fabrique d’artifices qui entraîne le spectateur dans un jeu de perceptions, instillant doutes, incertitude, nécessitant des pas de côté pour saisir toutes les facettes du personnage, un corps énigme posé devant nos yeux et qui se révèle peu à peu nous invitant à partager, à être ensemble.
Cette volonté de partage, de créer du commun, Arthur Perole estime que c’est son rôle en tant qu’artiste. Tout en assumant son/ses identité.s, le chorégraphe n’introduit aucun clivage, il se livre tel qu’en lui-même en toute sincérité. Sa proximité et son interactivité avec le public lui permettent de créer un espace d’intimité avec chaque spectateur, et en invitant ses collaborateurs au plateau il rend hommage à un travail d’équipe. À travers Nos corps vivants, le chorégraphe se donne, ainsi qu’à sa compagnie, une belle et nouvelle visibilité !
Nos corps vivants
Chorégraphie de et avec : Arthur Perole. Collaborateur artistique : Alexandre Da Silva. Musique live : Marcos Vivaldi. Lumières : Anthony Merlaud. Costumes : Camille Penager. Régie générale, lumières : Nicolas Galland. Régie son : Benoit Martin. Production: Sarah Benoliel. Logistique: Maureen Pette. Administration : Anne Vion. Production Compagnie F
Où et quand ?
Mercredi 20 au samedi 23 avril, mer/mar/jeu 19h, sam 15h et 19h, Théâtre de la Ville, Paris
Mardi 26 avril, 19h, Théâtre Durance, Château- Arnoux
Samedi 21 mai, VIADANSE – Direction Fattoumi/Lamoureux – CCNBFC dans le cadre du Festival Libres Regards, Belfort.
Mardi 24 au mercredi 25 mai, 19h et 20h30, Théâtre Molière – scène nationale archipel de Thau dans le cadre du temps fort Alors on danse, Sète
Image de Une, visuel de Nos corps vivants, Arthur Perole, compagnie F, crédit photo Nina-Flore Hernandez