Myriam Gourfink, de l’art de la lenteur et de l’intériorisation

Lorsqu’on approche le travail de Myriam Gourfink, ces mots de lenteur, d’intériorisation viennent à l’esprit comme des évidences… lorsqu’on pratique avec elle, s’y ajoute conscience corporelle, vibration, condensation et empathie.

Portrait de Myriam Gourbink par Josephine Deroche.

Elle propose actuellement des super sessions au CDCN -Le Pacifique de Grenoble qui permettent de découvrir son travail, alors qu’elle mène en parallèle un travail avec des amateurs pour créer Nulle part et partout, pièce participative qu’elle sème au gré des accueils ( Roubaix, Paris, Grenoble…et d’autres lieux en prévision). 

Structure Souffle, Myriam Gourfink, (création 2021) © Patrick Berger.

Myriam Gourfink a un parcours singulier, plongée dans les danses traditionnelles dès l’enfance, formée au yoga qui reste une pratique essentielle de sa danse, elle cite Odile Duboc pour qui elle fut interprète et dit utiliser la cinétographie Laban comme : “discipline de discernement qui permet l’analyse et l’ordonnancement des paramètres du mouvement selon une classification catégorielle.” 

Structure Souffle, Myriam Gourfink, Compagnie : LOLDANSE (création 2021) © Patrick Berger.

La musique expérimentale ou décalée fait aussi partie de l’ADN de Myriam Gourfink, en fréquentant des concerts noise, elle expérimente une danse collective et statique :  “Immobilité qui m’amène à écouter et à sentir la danse des flux, c’est-à-dire les multiples circulations incessantes et spontanées qui s’activent en nous en fonction de la relation que nous tissons, malgré nous, avec ce qui nous environne.” Ce rapport à la musique non métrique l’engage  aux côtés du compositeur Kasper T. Toeplitz dans un long compagnonnage. 

Ces quelques jalons posent l’esquisse d’un sillon que l’artiste creuse avec constance. Travail sur les flux internes du corps, glissement des fascias, respiration cellulaire, écoute des vibrations de peau, de muscles, conscience aiguë des voyages intérieurs ; plus il y a de lenteur à l’extérieur plus cela s’active à l’intérieur. On peut le sentir dans les ateliers de Myriam lors desquels, le temps s’étire ou se condense d’une façon particulière, le participant perdant la notion du temps social habituel et s’interrogeant sur sa capacité à effectuer une marche circulaire d’une quinzaine de mètres en une heure…intériorisation du mouvement, conscience des appuis, des transferts de poids, des tensions ou du relâchement musculaire. Éprouver la lenteur pour être davantage à l’écoute de soi et de l’environnement, accepter les perturbations possibles tout en poursuivant la partition de départ…

Arche Myriam Gourfink, Compagnie : LOLDANSE (création 2021) © Laurent Paillier.

La chorégraphe est aussi un guide précieux dans ce travail de conscience corporelle et de concentration extrême, elle opère un véritable scan corporel qui permet de poser son attention dans le corps de façon très précise, focalisant l’esprit sur la pratique.

Myriam Gourfink a de multiples casquettes, en tant que pédagogue elle se positionne en guide éclairé qui partage et propose son expérience. En tant que chorégraphe, d’autres questions émergent qui la conduisent à enquêter pendant 3 ans avec Yvane Chapuis et Julie Perrin, auprès d’une dizaine de chorégraphes, afin de dresser un vocabulaire des opérations et des pratiques mises en place pour composer en danse. Ce travail aboutit à un ouvrage très documenté, pratique et réflexif : Composer en danse, paru aux Presses du Réel en janvier 2020. 

Ce travail de réflexion sur la composition, la chorégraphe le mène depuis longtemps pour ses propres pièces. Utilisant d’une façon singulière et efficiente la cinétographie Laban, elle réalise de véritables partitions graphiques, certaines sont téléchargeables sur le site de la compagnie et donnent un aperçu de la rigueur et de la complexité de l’écriture de la chorégraphe. 

Arche, Myriam Gourfink, Compagnie : LOLDANSE (création 2021) © Laurent Paillier.

Lorsqu’on lui demande comment elle concilie le temps lisse créé par la lenteur du mouvement et l’intérêt pour le spectateur face à ce qui se déroule au plateau, elle indique qu’une des premières questions qu’elle se pose pour chaque création est l’adresse au spectateur. Elle va donc s’intéresser particulièrement à la dramaturgie :  aux déplacements sur la scène, aux orientations qui sont souvent des demi-orientations afin de créer visuellement des volumes pour le spectateur, aux rencontres physiques entre les danseurs ou entre une partie du corps et l’espace. Ce travail est d’une telle intensité qu’il demande des interprètes aguerris qui puissent bouger dans cette forme d’immobilité apparente. Des interprètes ayant acquis la puissance et l’endurance nécessaire à se mouvoir dans une extrême lenteur qui exige une conscience et une maîtrise aiguë des points d’appui ou d’ancrage, du souffle et des flux internes du corps. Et cela parfois dans des durées très longues, sa pièce  Ascension in noise dure entre 2 et 5 heures selon la version.

Nulle part et partout, Myriam Gourfink © KALIMBA – Musée La Piscine – Architectes : Albert Baert 1932, Jean-Paul Philippon 2001 et 2018

Ainsi Myriam Gourfink revendique la nécessité d’une fidélité de compagnonnage avec trois interprètes de sa compagnie et le compositeur Kasper T. Toeplitz. L’intégration des pratiques somatiques chez les interprètes, le partage du temps lisse entre la chorégraphe et le compositeur font que son travail peut aussi intégrer des dispositifs de haute technologie qui vont venir perturber les partitions de départ en ouvrant des possibles aux danseurs, créant des espaces ouverts aux choix personnels, tout en respectant l’esprit de la pièce.

Nulle part et partout, Myriam Gourfink© KALIMBA – Musée La Piscine – Architectes : Albert Baert 1932, Jean-Paul Philippon 2001 et 2018

Avec Nulle part et partout, Myriam Gourfink se confronte à des groupes d’amateurs, pour  cette pièce participative, la chorégraphe se place d’abord en observatrice du groupe. Elle dit apprécier la diversité des corps, le format court 35 à 45 mn, l’apport de chaque individu. Elle recueille les gestes liés à l’expression orale et propose une danse qui se limite au haut du corps. Sur 3 ou 4 semaines elle va plonger ces amateurs dans la conscience du corps grâce à des ateliers de yoga, leur faire éprouver la lenteur et réaliser une restitution publique. Un challenge chaque fois différent mais qui trouve un accueil très favorable chez les performers amateurs et auprès du public, comme en témoigne la petite vidéo réalisée lors du premier Nulle part et partout à Roubaix.

Nulle part et partout

Un projet de Myriam Gourfink avec des performeurs amateurs locaux. Ateliers menés par Myriam Gourfink, Kasper T. Toeplitz, Carole Garriga et Véronique Weil. Administration : Matthieu Bajolet. Communication : Cédric Chaory

Production déléguée : LOLDANSE. Coproduction : Le Pacifique – CDCN Grenoble LOLDANSE est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Île-de-France Myriam Gourfink est artiste associée au Théâtre du Beauvaisis à partir de 2023

Où et quand ? 

Le prochain rendez-vous du Nulle part et partout est prévu le samedi 1 avril à 18h30 au CDCN-Le Pacifique de Grenoble, 30 chemin des Alpins. Gratuit • Réservation obligatoire ici !

Image de Une, visuel de Nulle part et partout, Roubaix, Myriam Gourfink, compagnie LOLDANSE, crédit photo ©KALIMBA– Musée La Piscine – Architectes : Albert Baert 1932, Jean-Paul Philippon 2001 et 2018.

Written By
More from Véronique

Resilient Man, l’histoire de Steven McRae par Stéphane Carrel

Avec Resilient Man, Stéphane Carrel réalise un  film qui soulève le voile...
Read More