Le Collectif Ès tient bon la Rampe

En cette rentrée 2019, les projets s’annoncent dans les structures et c’est avec plaisir que la Rampe d’Échirolles a présenté celui qu’elle a construit avec les trois danseurs chorégraphes du Collectif Ès. La directrice de la Rampe Josefa Gallardo a rappelé que son projet poétiquement intitulé La Chair du monde s’inscrivait dans la continuité de la politique menée par l’équipe précédente et qu’il plaçait au centre la question du corps et du mouvement dans le quotidien. Elle a aussi rappelé que la résidence de trois ans proposée au Collectif Ès se faisait naturellement puisque la Rampe apprécie leur travail qu’elle a déjà diffusé et qu’une collaboration plus importante paraissait d’autant plus évidente que le travail de ces artistes résonnent avec les préoccupations de l’équipe de la Rampe.

Le Collectif Ès crédit photo Nadine Barbançon.

Une résidence d’artistes inscrite dans un territoire particulier, la commune d’Échirolles, qui pendant trois ans vibrera des propositions du Collectif Ès. Se nourrir du terrain et infuser le territoire, créer des formes pour le plateau et des formes in situ dans des espaces non dédiés, travailler à approcher et faire participer un public hétérogène, inter générationnel, transmettre autrement et rendre vivante la pratique dansée sur le territoire à travers des actions insolites et innovantes, dans les quartiers et les écoles mais aussi en collaboration avec des associations locales préexistantes, voici en résumé les objectifs. Josefa Gallardo insiste sur sa mission et sa volonté en tant que directrice d’une scène conventionnée de soutenir la jeune création chorégraphique en proposant cette résidence qui est à la fois un outil de recherche et de création mais aussi de diffusion à travers la programmation des spectacles de la compagnie et des temps forts réguliers qui permettront une visibilité du travail à l’oeuvre sur le territoire et avec les habitants.Ce cadre étant posé la parole est donnée aux trois artistes Sidonie Duret, Jérémy Martinez et Émilie Szikora. Trio originaire de Lyon qui s’instaure collectif en 2011 avec cette volonté de travailler collectivement chaque pièce avec cette idée qu’ils sont tout ensemble auteurs et interprètes.

En 2014, ils créent Hippopotomonstrosesquippedaliophobie dont l’extrait proposé à la Rampe lors du concours [re]connaissance de la même année remporte le prix du public, ils créent en 2017 Jean-Yves, Patrick et Corinne, travaillant un trio avec 5 interprètes interchangeables au plateau et qui plagient en les détournant les codes physiques de l’aérobic des années 80. Une descente drôle et énergique dans la culture physique populaire à cette époque.

Cette notion de populaire, la compagnie l’a creusé davantage avec sa nouvelle création 1ère Mondiale qui sera donnée en décembre prochain à La Rampe. Pour cette pièce retour au trio mais dans une nouvelle déclinaison puisque chacun a travaillé un solo, Émilie en cherchant à travers des témoignages très divers une définition de ce que serait la danse contemporaine avec ce constat, la Messe pour le temps présent de Béjart semble être un repère inscrit dans la mémoire collective, Jérémy a choisi de revisiter le solo de John Travolta dans Saturday night fever alors que Sidonie s’interroge sur les codes d’un tube planétaire Despacito pour mieux les déconstruire. Toute la question étant de voir comment la parole individuelle, l’objet créatif de chacun peut nourrir le collectif.

1ère Mondiale, Collectif Ès (c) Amélie Ferrand.

Cette réflexion alimente non seulement les projets créatifs des Ès mais aussi leur façon d’envisager leur implication pendant leur trois années de résidence sur le territoire échirollois d’où l’idée de la série populaire déclinée à travers des objets hybrides, bals, karaodance, lotos mais qui tous renvoient à des pratiques populaires. Ces objets, parce que déjà connus, serviront de tremplin de transmission et d’outils de médiation pour rencontrer de nouveaux publics. Le Collectif souhaite que ces objets de spectacle soient aussi des objets de rencontre qu’ils permettent de changer les postures face à la transmission et à la réception de l’art chorégraphique. En utilisant des référents populaires comme le bal, les artistes montrent leurs propres influences, leurs inspirations et peuvent créer du commun et réveiller la mémoire de chacun. Ainsi leurs trois années de résidence s’articulent autour de deux axes, une création plateau sans doute autour de la question de l’identité et du mouvement punk et les séries populaires qu’ils vont décliner lors de rendez-vous mensuels : les YOLOS dont le fil rouge de cette année est Mémoires de bal. Le YOLO (You Only Live Once)  est imaginé comme une rencontre permettant l’échange de pratique, le premier YOLO #1 se fera autour du chant et de la danse avec la complicité de la chorale MDH les Écureuils, 2 heures pour s’échanger pratique du chant et de la danse !

En 2019/20 le quartier Ouest d’Échirolles est choisi comme terrain de jeu pour le Collectif Ès qui va s’impliquer dans plusieurs actions sur le territoire : 

Un rendez-vous mensuel avec des scolaires de l’école Marcel David, J’peux pas j’ai bal, avec pour objectif  de faire créer un bal aux enfants en leur proposant une trame, des familles de danse puis de les placer en créateurs du bal qui aura lieu en mai et servira d’ouverture au week-end festif Tous à l’Ouest ! Ce processus de création d’un bal où les enfants inviteront leurs familles, se double d’un travail de reportage autour de la même thématique puisque un atelier péri-scolaire sera en charge de recueillir des avis, témoignages auprès des habitants/commerçants du quartier Ouest sur le vécu ou leur mémoire de bal.

Une immersion à l’hôpital Sud dans le cadre de l’action Culture et santé en présentant de petites formes tirées de1ère Mondiale au sein de l’Hôpital et en organisant un YOLO réservé aux kinés lors duquel le Collectif leur proposera de danser alors qu’eux-mêmes apprendront certaines de leurs pratiques professionnelles.

1ère Mondiale, Collectif Ès (c) Amélie Ferrand.

Comme on le voit, structure comme artistes quand les possibilités sont là, ça bouillonne de façon féconde ! Le Collectif Ès, comme la directrice de la Rampe insistent sur l’idée de co-construction du projet avec les acteurs de terrain,  de pédagogie inversée auprès des enfants, de changer les postures de chacun, de proposer des occasions de rencontre et de création, d’habiter son corps de façon différente dans un rapport ludique.

Le projet nous a paru particulièrement bien pensé et cohérent et on a envie qu’il laisse des traces, écrits, photos comme autant de mémoires de bal ou autres danses qui pourraient prolonger le plaisir de l’expérience.

Où et quand ?

YOLO #1 jeudi 31 octobre 2019 de 18h30 à 20h30 à la Rampe

1ère Mondiale mardi 10 décembre 2019 à 20h à la Rampe

Tous à l’Ouest ! week-end festif les vendredi 29 et samedi 30 mai 2020 autour de la Ponatière à Échirolles avec en ouverture un grand bal imaginé par les enfants participant à J’peux pas j’ai bal le vendredi 29 mai en fin de journée, horaire et lieu à confirmer.

En savoir plus sur le Collectif Ès c’est ici !

Image de Une, Collectif  Ès crédit photo Nadine Barbançon.

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