Nous vous avions annoncé la première d’In extremis, ici, et l’événement nous a donné envie d’échanger avec son chorégraphe sur son processus de création, la poursuite de son travail autour d’une danse acrobatique, ses références artistiques, et son rapport au monde. Autant de pistes pour entendre et comprendre son travail.
La scénographie d’In extremis plonge immédiatement le spectateur dans un univers irréel mais suffisamment proche de nous pour qu’on y reconnaisse les traces d’une apocalypse, d’un tsunami, du passage d’une pandémie ou d’un vertige collectif, subsistent pourtant des éléments de nature, fleurs, eau, ciel, poudre ou cendres blanches comme autant de témoignages d’un monde fragile mais qui résiste.
Pour créer cette ambiance, Frédéric Cellé, s’est inspiré d’autres univers ceux du photographe Grégory Crewdson qui révèle le monstrueux ou le dysfonctionnel dans des scènes bucoliques ou domestiques, la sculpteuse de brouillard Fujiko Nakaya ou Céleste Boursier-Mougenot dont les oeuvres sont avant tout une activation de nos sens.
A cela s’ajoute le choix d’une équipe d’interprètes avec lesquels une grande confiance s’est rapidement développée, confiance nécessaire à l’engagement physique extrême demandé par le chorégraphe. Une confiance réciproque pour connaître les limites à ne pas dépasser et respecter l’intégrité physique des danseurs, et pour les interprètes accepter de suivre Frédéric Cellé dans son exigence artistique. Six interprètes qui mettent leurs talents et leurs spécificités respectives au service du collectif. Acrobates, circassiens, danseurs venant d’horizons divers (classique, jazz, contemporain, théâtre…), tous acceptent de s’engager totalement dans le projet. Le chorégraphe s’est appuyé sur les individualités pour mieux construire et donner une cohérence au groupe, à travers un important travail d’improvisation pendant le processus de création.
Un processus qui rejoint le propos de la pièce puisqu’il s’agit ici, de se questionner sur nos capacités à rebondir après un traumatisme, une crise, un dysfonctionnement qu’elle qu’en soit la nature. Quelles réponses collectives ? Peut-on accepter la force du collectif sans se sentir dissout ? Comment résister aux différences au sein d’un groupe ? Exclure, inclure, accepter les différences ou les refuser a priori comme trop étranges, trop dérangeantes ?
La pièce interroge sur nos capacités d’ouverture, de curiosité, sur nos stratégies de survie, individuelles et collectives : que mettre en jeu pour se relever ? Quels ressorts activer pour rester debout et avancer ?
Le chorégraphe lance ici une alerte à travers son titre, pourquoi attendre l’in extremis pour réagir face aux dérèglements qui nous menacent ? Quelles sont nos marges de manœuvres, comment se faire entendre, quelles armes utiliser dans ce combat gigantesque ?
Le chorégraphe propose quelques pistes : l’humour, le jeu, le détour et la poésie, la puissance de l’exaltation sauvage des corps, et le plus puissant de tous l’amour empathique, celui de la solidarité active, de l’inclusion au-delà des différences, cette force du sentiment qui permet de résister, de lutter, de ne pas accepter ce qui ne nous semble pas juste. Il souhaite faire partager ces émotions avec le spectateur : doit-on rester un spectateur passif regardant le monde comme si nous n’en faisions pas vraiment partie ou s’ouvrir à d’autres, être curieux de nouvelles stratégies et s’en saisir dès aujourd’hui ?
Chacun répondra ou pas à ces questions et trouvera sans doute son propre chemin,
Frédéric Cellé a trouvé, quant à lui, dans son équipe le soutien nécessaire pour affirmer son vocabulaire chorégraphique, ce beau mélange entre danse et cirque qui produit cette acrobatie sensible, cette accro-danse dont il se revendique.
Où et quand ?
Agenda In extremis – Création 2021
8 octobre 2021 : L’arc, scène nationale – Le Creusot (71)
13 janvier 2022 : Théâtre municipal – Semur-en-Auxois (21)
15 janvier 2022 : Théâtre municipal – Beaune (21)
1er mars 2022 : La Maison – Maison de la culture de Nevers agglomération – Nevers (58)
31 mars 2022 : Festival Art Danse – Chenôve (21)
7 avril 2022 : le Théâtre, scène nationale – Mâcon (71)
9 avril 2022 : Théâtre municipal – Fontenay-sous-Bois (94)
20 et 21 mai 2022 : Théâtre les arts – Cluny (71)
Pour en savoir plus sur la compagnie Le Grand Jeté c’est ici !
Image de Une, visuel d’In extremis, Frédéric Cellé, crédit photo Laurent Philippe.