Ornement, duo création d’Anna Massoni et Vania Vaneau

Les deux complices, qui ont déjà performé ensemble, se livrent ici à un duo très particulier dont elles ne dévoilent qu’une étape de travail puisque c’est le jeu de la répétition ouverte présentée à l’issue d’une sortie de résidence au CDC-Pacifique de Grenoble au printemps dernier.

On retiendra de cette présentation, une scénographie cadrée par un tapis blanc qui se prolonge en rideau de scène et dont les danseuses se jouent comme d’une peau que l’on peut rabattre et retirer jusqu’à n’en faire qu’un amas en fond de plateau. Dans cette première version, seul le bruit de ventilateurs anime la pièce, (une musique à venir est prévue pour la création), remplissant de leurs souffles l’espace du studio, agitant les matières légères : cheveux et vêtements des danseuses qui deviennent ondulantes comme à la merci d’un courant qui les transforme en Ophélia verticales et aériennes. Plus tard des carrés de gaze ou des paillettes multicolores deviendront papillons ou poudre magique.

Trois temps relevés en cette étape de travail, un duo quasi gémellaire, tant les danseuses travaillent en empathie cherchant à comprendre ce qu’un corps peut percevoir, recevoir, transmettre, en fonction des éléments, de son propre corps, de celui de l’autre, dans une aventure sensorielle expérimentale et pourtant minutieusement écrite. Elles deviennent poupées cassées, guerrières dérisoires ou gisantes exténuées avant de devenir un être unique dans un corps à corps sensuel et hypnotique, créant la chimère parfaite, animal à deux têtes et huit membres qui investit le plateau de ses roulades organiques.

Le temps de la séparation s’accompagne d’autres explorations, passant par d’autres média que le corps. Objets, matériaux, éléments, deviennent leurs partenaires, les deux danseuses explorant les qualités de chacune mais cette fois comme à distance dans une quasi manipulation jusqu’à créer un univers à la fois baroque et junk, dans l’amoncellement d’objets dont on ne sait s’ils relèvent d’un rituel (miroirs, voiles, perruques, bâton, coupelle fumante, etc.) ou d’une simple volonté de les sentir… jusqu’à ce qu’un vent balaye le plateau, que celui-ci change de peau et que le duo se sépare en deux solos.

Et c’est dans cette troisième partie que l’on revient au travail de départ, travailler la matière. Je n’ai pas évoqué la semi-nudité des danseuses, leurs corps passés aux pigments, la façon dont la lumière les façonne comme des statues antiques (notamment le solo final de Vania Vaneau), comment Anna Massoni devient aussi légère qu’une des plumes de l’éventail qu’elle manie. Ici tout est organicité, empathie, continuité de la perception entre le corps et son environnement. Alors de quel ornement s’agit-il ici ? Moins l’ornement futile presque inutile qui se rajoute mais plutôt celui qui naît, précieux, d’une partition d’intentions.

Les premières d’Ornement auront lieu les 4 et 5 novembre 2016 à l’Étoile du Nord, à Paris où vous pourrez découvrir la pièce dans sa version définitive, gageons que les deux artistes auront peaufiné leur travail d’orfèvre et que comme dans leur note d’intention : » leurs mains seront devenues motifs, les regards bijoux, la peau parure. »

Pour en savoir plus sur le travail d’Anna Massoni et de Vania Vaneau.

Image de Une, Ornement crédit photo Jordi Gali.

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