« L’Eveil des modernités », Annie Suquet : un livre à découvrir !

On aime la nouvelle publication du Centre national de la Danse : L’éveil des modernités, une histoire culturelle de la danse (1870-1945), d’Annie Suquet.

L’ouvrage est une somme, dans tous les sens du terme : presque mille pages, et un inventaire des pratiques dansées qui se sont développées de 1870 à 1945.

L’intérêt de cet ouvrage, très documenté et illustré de cahiers photographiques à la fin de chaque grande partie, se situe dans l’angle d’attaque de l’auteur qui ne se contente pas d’étudier les différents courants chorégraphiques, pour et en eux-mêmes, mais qui les replace dans un contexte culturel, sociétal voire technologique bien plus vaste.

L’ouvrage est construit en trois grandes parties, plus thématiques que chronologiques, qui permettent d’aborder les grands enjeux esthétiques mais aussi politiques qui traversent la danse dans cette période de bouleversements.

On découvre ainsi  les nouvelles visions  du corps dansant. Le tissage se fait entre la modernité urbaine et la mécanisation croissante des tâches qui développe une gestuelle, un déplacement des corps en accord avec les trépidations d’une société de plus en plus industrialisée.

Fascination de la machine et de la technologie pour certains, qui modélisent la danse jusqu’aux chorus lines des « girls » formatées  des Tillers’s schools, ou qui appareillent les danseurs au point d’en faire des êtres hybrides (mi-machine/mi-animaux/ mi-fleur)  comme Loie Fuller.

D’autres refusant la modernité issue de l’industrialisation revisitent l’Antiquité aux fins de retrouver un « mouvement naturel », d’autres encore puisent dans un exotisme porté par le colonialisme et les expositions universelles.

Toutes ces visions participent d’un vaste questionnement sur la pratique du mouvement et du corps donné à voir en spectacle. Proche de la gymnastique hygiéniste pour certaines, rêve antiquisant ou exotique pour d’autres, ces visions s’appuient sur des enseignements  qui vont essaimer de la Russie aux  Etats-Unis via l’Europe et qui vont conduire à l’émergence de ce que l’on va appeler la danse moderne.

Dans la dernière partie, l’auteur place les danseurs au cœur du politique en tant que citoyens, partie prenante d’une histoire bouleversée par deux guerres mondiales et la montée  des totalitarismes. Où se situer ? Collaborer, résister, émigrer ? Postures pour répondre à la violence des temps qui vont déterminer les couleurs et les évolutions d’un art en pleine mutation.

L’Eveil des modernités : Une histoire culturelle de la danse (1870-1945)

Annie Suquet, éditions du Centre national de la danse, collection Histoires, août 2012.

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