Les Nuits d'Angelin Preljocaj

Cet été, au Théâtre Antique de Vaison Danse, nous avions pu découvrir la dernière création d’Angelin Preljocaj.

Le public du festival attendait de pied ferme cette dernière création du Ballet Preljocaj. Après l’enthousiasme suscité par Blanche-Neige, présenté sur cette même scène en 2009, puis la reprise du Sacre du Printemps en 2010, les fidèles de Vaison-Danses ont toujours bien accueilli le chorégraphe français basé au CCN d’Aix-en-Provence.

Une séquence énivrante, qui parfume toute la scène. Les premiers rangs du Théâtre Antique ont pu aussi profiter des effluves.

Avec les Nuits, Prejlocaj réinterprète librement le texte mythique des Mille et une nuits. La trame originelle de ce recueil de l’Orient nous conte qu’un sultan, afin d’être certain de ne plus être trompé par son épouse, décide de faire exécuter chaque matin la femme qu’il aura épousée la veille. Pour se préserver de ce destin cruel, Shéhérazade raconte chaque nuit au sultan une histoire dont la suite est reportée au lendemain. Au bout de mille et une nuits de suspense, le sultan renonce à la faire exécuter.

Sergio Diaz et Yurié Tsugawa lors d’un pas de deux.

De cette histoire, Angelin Preljocaj, chorégraphe attaché à la narration, retient plutôt les ambiances: sensualité et érotisme tapissent la toile de fond. Les Nuits se présente comme une suite de tableaux, servis par des danseurs sublimes et une scénographie majestueuse. Dans des ambiances tamisées, ou en contre-jour, on se laisse captiver par le graphisme oriental : des toits de palais, des amphores, des tapis, des cages en lanières noires, le tout baignant dans des lumières bleues nuits, violettes, puis très chaudes virant dans les orangés.

Charlotte Siepiora

Entre les vapeurs des hammams et l’ivresse de la chicha, les thèmes du plaisir et de la sensualité des corps sont au centre de l’attention. La séduction, le désir, la tendresse, les danses lascives à deux, trois, se transforment en transe et en domination, le spectre de la sexualité est abordé très largement. Avec un menu osé, Les Nuits provoque des réactions aux antipodes : on aime ou on déteste. Réjoui du spectacle, ou franchement mal à l’aise.

Les costumes sont signés du grand couturier d’origine tunisienne, adulé par les magazines de modes : Azzedine Alaïa.

Scandaleuses pour certains, séduisantes pour d’autres, les Nuits d’Angelin Prejlocaj réussissent tout de même à se démarquer par une esthétique soignée – les costumes sont signés du grand couturier d’origine tunisienne, Azzedine Alaïa – une exécution impeccables servie par de belles performances physiques, notamment de puissants duos.

Natacha Grimaud et Jean-Charles Jousni

A travers une enveloppe charnelle, objet de scandale, Les Nuits aborde des questions féministes, suggérées en filigrane dans la chorégraphie. On retiendra notamment ce passage où toutes les danseuses perchées sur des talons aiguilles, enveloppées dans des robes de soirée rouges, livrent une version orientalisée de « This is a man’s world » de James Brown, chantée par Natacha Atlas. Comme pour répondre à ces archétypes usés de la féminité vue par le genre masculin, elles ponctuent la musique par des doigts d’honneur vindicateurs. Un peu plus tard, en réponse à ce passage, ce sont finalement les hommes qui versent dans la vulgarité, en ondulant outrageusement leur corps dans des rôles d’hommes-objets, déchaînés tels des Chippendales fiévreux.

Expressions corporelles en tant qu’hommes-objets.
Se faire raser par son barbier devient une métaphore de la virilité.

Shéhérazade a pu survivre grâce à l’intelligence du verbe. Angelin Preljocaj a voulu illustrer cette force de l’âme en se penchant « sur la place de la femme dans nos sociétés pour faire de Shéhérazade une figure du féminisme, tout en évoquant la magie d’un Orient oublié ».

Le chorégraphe Angelin Preljocaj au centre, lors des rappels, ovationné à Vaison-Danses 2013,

 

Durée : 1h15 sans entracte

Ballet Preljocaj
Chorégraphie Angelin Preljocaj
Pièce pour 18 danseurs
Musique Natacha Atlas, Samy Bishai, 79D
Costumes Azzedine Alaïa
Scénographie Constance Guisset
Lumières Cécile Giovansili-Vissière
Assistant, adjoint à la direction artistique Youri Van den Bosch
Assistante répétitrice Natalia Naidich
Choréologue Dany Lévêque

Danseurs à la création
Gaëlle Chappaz, Natacha Grimaud, Émilie Lalande, Céline Marié, Wilma Puentes Linares, Aude Miyagi, Nagisa Shirai, Charlotte Siepiora, Anna Tatarova, Patrizia Telleschi, Cecilia Torres Morillo, Yurie Tsugawa, Sergi Amoros Aparicio, Marius Delcourt, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Fran Sanchez, Julien Thibault

 

Pour revoir Les Nuits en France cette année :

 

Dimanche 22 septembre
Mulhouse, La Filature, dans le cadre du festival Musica

Mardi 1er à mercredi 9 octobre
Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence

Samedi 12 et dimanche 13 octobre
Fréjus, Théâtre le Forum

Jeudi 17 à samedi 19 octobre
Brest, Le Quartz

Mardi 3 au jeudi 5 décembre
Clermont-Ferrand, Comédie de Clermont-Ferrand

Jeudi 12 au jeudi 19 décembre
Versailles, Opéra Royal – Château de Versailles

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