Le Ballet du Grand Théâtre de Genève à Vaison Danses, avec BA/Rock

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris photo Gia To
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Le Ballet du Grand Théâtre de Genève était à l’honneur à Vaison Danses ce samedi 22 juillet, pour une soirée composée de deux pièces du jeune chorégraphe belge Jeroen Verbruggen. Le Théâtre Antique présentait ce soir Iris (28 minutes) et Vena amoris (43 minutes), construites sur les musiques baroques de François Couperin et Domenico Scarlatti, puis de Jean-Philippe Rameau. Le spectacle durait environ 1h40 minutes, avec entracte.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Iris photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Iris
photo Gia To

Depuis la nomination de Philippe Cohen à la direction du Ballet du Grand Théâtre de Genève en 2003, la compagnie s’est engagée dans une refonte radicale de son répertoire et de son image, en alliant tradition et création. Cela se traduit par une programmation originale qui assume sa modernité et son ambition, en confiant des projets chorégraphiques à de jeunes créateurs. Parmi les alumnis  : Saburo Teshigawara, Benjamin Millepied, Sidi Larbi Cherkaoui, Andonis Foniadakis, Emanuel Gat, Gilles Jobin, Ken Ossola… rien que ça. La collaboration avec Jeroen Verbruggen s’était donc trouvée naturellement.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris photo Gia To

Avant cette aventure, Jeroen Verbruggen était premier danseur des Ballets de Monte-Carlo qu’il avait rejoint en 2004, sous la direction de Jean-Christophe Maillot (et aussi un grand ami de Philippe Cohen). Il y avait aussi fait ses premières armes en tant que chorégraphe, avec entre autres, la création des pièces Kill Bambi en 2012, Arithmophobia en 2013, L’Enfant et les sortilèges en 2016. Pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, Verbruggen avait aussi déjà œuvré en 2014, avec Casse-Noisette.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris
photo Gia To

Avec BA\ROCK, Jeroen Verbruggen nous invite à réinterpréter l’esprit baroque dans notre modernité, à avoir une attitude rebelle, avant-gardiste, brillante, qui bouscule les conventions. L’objet de la soirée était donc bien de mettre un grand coup de pied dans les élégantes partitions baroques, avec les influences d’aujourd’hui. Et bousculade, il y a eu, notamment au niveau des costumes d’Iris entre les matières cuirs, latex noir biker ou gothique. Dans Vena amoris, les accoutrements sont constitués par des pseudo-armures dorées, avec des plastrons robotiques, cousus sur des juste-au-corps noirs : un style bien inspiré de notre culture pop actuelle. Chacun y verra ses références, de Star Wars aux Chevaliers du Zodiaque, en passant par Ghost in the Shell, Tron, ou encore RoboCop.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Iris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Iris
photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris
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Côté son, contrairement à ce que laissait imaginer le titre BA/Rock, il n’y aura pas de révolution concernant la musique. Pas de cassure de la partition originale, l’audace ne sera que visuelle, et jouera du décalage entre le son et la chorégraphie. Concernant la première pièce, Iris est la messagère des dieux éternels dans la mythologie grecque. Elle est représentée par un arc-en-ciel au bout duquel se trouve un trésor (sur scène, pas d’arc-en-ciel, mais une fumerole en fond de scène, avec des vapeurs éclairées). Comme un pèlerinage, les personnages cherchent cet endroit qui n’existe pas. Concrètement, cela se traduit par une chorégraphie autour du bac de fumée.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Iris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Iris
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Iris joue sur les effets de clairs-obscurs, entre les danseurs en costumes aux nuances gothiques et les lumières de la fumerole. L’ambiance convient bien à la musique baroque au piano seul, La Ténébreuse. Mais à ce propos, il serait intéressant de connaitre la raison derrière le choix du piano, plutôt que du clavecin, au son plus précis et marqué, bien plus adapté à l’interprétation des morceaux de Scarlatti et de Couperin. Et quitte à mettre un grand nom à l’affiche, il aurait été naturel de travailler avec les maîtres incontestés de l’instrument comme Pierre Hantaï ou François Guerrier (et soyons en fiers, ils sont français). Le contraste entre la modernité visuelle et la tradition sonore n’en aurait été que plus audacieux.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Iris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Iris
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La chorégraphie des sept danseurs est construite en groupes de plusieurs éléments, se répondant les uns les autres, parfois dans des enchevêtrements complexes et recherchés. Les figures élégantes se mélangent aux figures acrobatiques. Il y a du rythme, de la variété, mais face à ce foisonnement, l’action est souvent très difficile à décrypter. La clarté des gestes et des sujets n’est pas aidée par le peu de lumière et les costumes sombres. Le résultat laisse un gout d’inachevé, malgré des idées chorégraphiques abondantes et le talent certain des danseurs. Du coup, on a du mal à adhérer et à entrer dans la pièce.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris
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La deuxième pièce, Vena amoris a pour sujet, le chemin de l’amour, symbolisé par la veine d’amour. Il s’agit de la veine de l’annulaire, théoriquement reliée directement au cœur, d’où la tradition du port de l’alliance pour sceller un mariage. La pièce commence avec le Roi Soleil et sa reine, galonnés d’or, robotiques et chevaleresques. Ils échangent des serments sur un perron majestueux. Avec pour élément central, un escalier amovible rouge qui fait toute la largeur de la scène, Verbruggen a conçu ingénieusement le développement de l’histoire avec le déplacement de cet escalier. Sur cette base, il a laissé sa créativité partir en vrille. Avec les gestes élégants couplés aux décors dépouillés et stylisés, nous sentons bien l’héritage des Ballets de Monte-Carlo dans son style et dans son vocabulaire.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris
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Toute éclairée de rouge, la cour entre en action. Entre déchirements, duels, et unions, nous avons droit à une chorégraphie acrobatique et aérienne, qui met l’accent tantôt sur l’effet de groupe, tantôt sur l’isolement, ou l’amour impossible. La finesse des pas de deux et de trois contraste avec certains passages bruts à l’ancrage très lourd. Nous pensons en particulier au passage, certes impressionnant, mais finalement peu convaincant des Indes galantes, où tous les danseurs font du step sur l’escalier, en criant à plein poumons à tour de rôle… pour mieux mettre en valeur le développement qui suit, plus complexe. Élégance, symétrie, duo, trio, passage de jambes au dessus du partenaire, déplacement de la jambe du partenaire, Vena amoris regorge d’idées recherchées et étendues, mais encore une fois, l’ensemble manque de clarté. L’oeuvre aurait gagné en puissance, avec un peu d’écrémage dans la construction.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris
photo Gia To

La soirée est dans l’ensemble de très bonne qualité. Le public de Vaison Danses a applaudi chaudement la performance, malgré un remplissage moindre des gradins par rapport aux autres soirs. Malgré cela, il n’y a aucun doute sur le talent et la valeur de Jeroen Verbruggen. A nos yeux, même avec nos réticences sur Iris et Vena amoris, il s’est déjà illustré comme étant un des grands chorégraphes de demain. Il reste à canaliser cette fougue créatrice.

Ballet du Grand Théâtre de Genève - Vena amoris - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris
photo Gia To

Après le spectacle, le directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, Philippe Cohen, s’est prêté au jeu de l’interview, ce qui a enchanté le public qui souhaitait rester pour écouter. Mené avec brio par Antoine Abou (Université pour Tous), cette séquence « après-scène » nous a permis de mieux comprendre les coulisses du spectacle. Une excellente initiative pour nous prolonger nos rêves dans l’univers de la danse !

Ballet du Grand Théâtre de Genève a Vaison Danses - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève à Vaison Danses
photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève a Vaison Danses - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève à Vaison Danses
photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève a Vaison Danses - photo Gia To
Ballet du Grand Théâtre de Genève à Vaison Danses
photo Gia To

Iris

Chorégraphie et costumes : Jeroen Verbruggen. Musique : François Couperin/Domenico Scarlatti, musique enregistrée lors des représentations à Genève en 2016. Lumières : Rémi Nicolas

Vena Amoris

Chorégraphie : Jeroen Verbruggen. Musique : Jean-Philippe Rameau, musique enregistrée extraite de l’album Une Symphonie imaginaire. Direction musicale : Marc Minkowski, Orchestre Les Musiciens du Louvre, Deutsche Grammophon 2005. Scénographie : Emilie Roy. Costumes : Emmanuel Maria. Lumières : Rémi Nicolas.

Distribution:

Danseur : Yumi Aizawa, Céline Allain, Louise Bille, Ornella Capece, Tiffany Pacheco, Mohana Rapin, Sara Shigenari, Lysandra van Heeswijk, Madeline Wong, Valentino Bertolini, Natan Bouzy, Zachary Clark, Armando Gonzalez Besa, Xavier Juyon, Nathanaël Marie, Simone Repele, Sasha Riva, Geoffrey Van Dyck, Nahuel Vega.

Directeur général : Tobias Richter. Directeur du Ballet : Philippe Cohen. Adjoint du Directeur du ballet, régie de scène : Vitorio Casarin. Coordinatrice administrative : Emilie Schaffter. Maîtres de ballet : Grant Aris/Grégory Deltenre. Pianiste : Serafima Demianova. Directeur technique : Philippe Duvauchelle. Régisseur lumières : Alexandre Bryand. Régisseur plateau : Mansour Walter. Son : Jean-Marc Pinget. Habilleuses : Caroline Bault/France Durel.

Où et quand ?

Festival de Vaison la romaine 22 juillet 2017 au Théâtre antique, pour voir toute la programmation c’est ici !

Image de Une, Ballet du Grand Théâtre de Genève – Vena amoris de Jeroen Verbruggen, photo Gia To photography.com

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