Mortroux, Creuse : la danse est bien vivante

A la fête du village, dindes et loups dansent ensemble

Bienvenue à Mortroux, village de la Creuse dont les maisons, en brique et pierres, se dressent autour de son allée centrale, qui commence par une église, la très belle Sainte Marie-Madeleine et se finit par un petit château, celui de feu Emilie Sauvage.

Le village, dont le nom éloquent n’est pas morbide, car il fait référence à la terre rouge qui colore ses étangs et non à celle dont on recouvre les cadavres, accueille trois cent sept habitants, une centaine de vaches et six Parisiens l’été.
Le 28 juillet, sa population double, pour cause de Sainte Madeleine et de jambon à la broche. Ce soir-là, le parfum délicat de la rotisserie installée en plein air se répand dans les rues, et une vaste tente, blanche et bleue, se dresse sur la place centrale.

C’est la fête du village, celle à laquelle Mamie Josette et Marishka la Parisienne vont enfin pouvoir comparer leurs talents de danseuses. (spoiler: Mamie Josette a un jeté de jambes extraordinaire, hors compétition).

Quand sonne sept fois le carillon de l’église, la très belle Sainte Marie-Madeleine, piaffent déjà d’impatience une centaine de personnes, qui sitôt l’apéro terminé, se sont précipités pour être les premiers à entrer sous la tente. Toute la Creuse s’est donnée rendez-vous à Mortroux.

Très vite, la file s’allonge et pour trémousser ses fesses sur la piste de danse et accessoirement, poser ses dents sur le jambonneau, il faudra attendre près d’une heure. De mémoire de Parisienne, jamais l’Arc ni autre boîte à la mode, n’avaient connu telle ferveur.

Trois Parisiens prêts à infiltrer la soirée

C’est qu’à Mortroux, on ne badine pas avec la danse. Avec “le fameux” Denis Glomeau à l’accordéon et son acolyte au synthé,  les hits défilent et avec eux les couples dont les pas, coordonnés au millimètre près, suscitent les sifflements ravis de l’audience, qui mange son jambon à la broche sans perdre une miette du spectacle.

Mais tout mastiqueur finit danseur…


Jusque là lui aussi assis, un homme, à la chemise en soie beige bien repassée, est entraîné vers la piste par sa femme, dont la robe rouge, en soie également, virevolte autour de ses mollets. Ensemble, ils parcourent la scène d’un même élan – ce sont des danseurs de salon professionnels et les rois de la nuit de Mortroux.

Tentant tant bien que mal de les éviter, Mamie Josette avance par petits pas, mais sûrement, et les jeunes du village se bagarrent pour avoir l’honneur d’une danse avec elle. C’est Matthis qui la leur ravira et lui volera même un baiser, dit-on…

Soudain, silence, la piste se vide. Denis Glomeau lance un accord, comme un signal, et les femmes de Mortroux, avec parfois quelques hommes à leurs côtés, s’alignent.

C’est l’heure du Madison, et ça ne rigole pas.


Les danses traditionnelles suivront, un peu plus tard, vers minuit, quand les jeunes, lassés de l’accordéon, prendront leurs voitures pour aller boire un coup en ville, à une heure d’ici. La Bourrée des dindes, danse du Limousin, verra tourner les jupes des femmes et les chapeaux des hommes, mais les dindes seront vite chassées par les talons frappant le plancher lors de la danse du Pas du loup.
Bientôt, le jambon est digéré et les regards fatigués. Denis Glomeau rempaquète son accordéon, la fête a duré jusqu’à l’aube. Sur la piste vide, quelques Parisiens essaient encore d’imiter les tournoiements de la Bourrée des dindes, sans succès.

La prochaine fête de la Sainte Madeleine et jambon aura lieu en juillet 2013. Affûtez vos talons, repassez vos robes. En attendant, Mortroux a retrouvé sa quiétude.
Anaïs LL.

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